L’air chaud et sec de la bibliothèque irritait les écailles de Saba. Elle se grattait machinalement, tout en feuilletant un des nombreux livres suggérés par Tris. Etonnamment, elle trouvait cette recherche d’informations intéressante et facile. Au début, elle avait cru qu’elle ne s’habituerait jamais à tourner les pages. Ça paraissait prendre tant de temps !

Maintenant, elle parcourait les livres sans difficulté.

— Tu as trouvé quelque chose ?

Saba leva les yeux, vit Mara devant elle, secoua la tête et ferma le livre. Il y était question d’une planète limitrophe des Régions Inconnues, habitée par une espèce d’insectes à pattes d’échassiers. D’après leurs légendes, le dieu du feu émergeait tous les trois ans du noyau de la planète, et brûlait leur monde, démarrant ainsi un nouveau cycle de mort et de renaissance.

Intéressant… Mais ça ne faisait pas avancer leurs recherches. Saba n’avait trouvé aucune mention de la planète errante.

— Non, rien…

— Nous non plus ! Feuilleter ces livres est si long !

— Ce serait pire s’ils n’étaient pas en basique. Notre insistance paiera.

Mara sourit, puis rejoignit Danni. Probablement pour voir où en était la jeune scientifique.

Saba prit le livre suivant sur la pile que Tris lui avait apportée. Une autre espèce… Et toujours rien. Mais la Barabel ne s’en inquiétait pas trop, fascinée par sa tâche. Pourtant, trouver les données ne serait pas le plus dur. Il faudrait ensuite les analyser, et ça prendrait plus longtemps encore.

Deux livres plus tard, elle se leva et s’étira. Ses yeux la brûlaient, et son dos était raide. Elle se dirigea vers le centre de la grande pièce, à la recherche d’une nouvelle liste. Luke et Mara examinaient des ouvrages, qu’ils prélevaient sur trois grandes piles. S’étant approprié une table assez grande pour vingt personnes, ils saisissaient des données sur des datablocs.

Titubant sous le poids d’une autre pile d’ouvrages, le lieutenant Stalgis émergea d’une allée. Tout le monde s’y était mis. La seule personne absente de l’équipe aurait été la plus fascinée : Soron Hegerty. Epuisée par l’aventure de Munlali Mafir, elle était restée en orbite. Mais on entendait souvent sa voix, sur les comlinks, demandant des données.

— Regarde ça, dit Luke en levant un livre.

Saba se pencha par-dessus l’épaule de Jacen. Si le gros de l’ouvrage était traduit en basique, il restait des parties en cheunh qui nécessitaient les lumières de la bibliothécaire.

Saba se concentra pour comprendre.

La page de Luke montrait l’emplacement et l’histoire d’un monde appelé Yashuvhu. Colonisé par les humains trois mille ans plus tôt, il avait récemment rencontré les Chiss. S’il n’y était pas fait référence à la planète errante, on y parlait d’une femme d’un grand âge, la Prophétesse. Elle enseignait qu’un réseau d’énergie connectait toutes les créatures. En puisant dans ce réseau de la manière appropriée…

— Elle parle de la Force, déduisit Mara.

— Je pense, répondit Luke. Regardez.

Il ouvrit une autre page. La Prophétesse, Valara Saar, était une femme d’âge mûr, bien conservée. L’équipe de contact des Chiss avait essayé de la contacter dans les monts Yashaka, où elle vivait. En vain.

Personne ne venait voir la Prophétesse sans y être invité.

Les images avaient été dessinées à la hâte, mais une chose était claire…

— Elle se sert d’un sabre laser ! s’écria Jacen.

— Ma foi, oui, répondit Luke.

— Depuis quand est-elle là ? demanda Saba.

— Les archives ne le précisent pas, répondit Mara. Mais si elle a été formée dans son enfance, ça peut faire des dizaines d’années.

— Ou elle a trouvé un Holocron, dit Jacen.

— Ne sautons pas aux conclusions, ajouta Luke. D’ailleurs, nous ne sommes pas là pour ça.

Il se plongea quand même dans la lecture des ouvrages consacrés à Yashuvhu et à la Prophétesse. Elle n’avait pas parlé aux Chiss, mais ses acolytes, oui… Ses enseignements ? La patience, l’humilité, la compassion, la clarté de la pensée, l’Equilibre entre le mental et le physique, l’observation d’un régime strict, et la solitude…

Valara Saar n’avait jamais pris d’époux ni eu d’enfant. Son seul compagnon était un duuvhal, qu’elle avait élevé.

— Je crois que j’ai quelque chose !

Tous les regards se tournèrent vers Danni, qui apparut avec un gros livre dans les bras. Elle le posa sur la table et l’ouvrit.

— Regardez : ici, et ici…

La jeune scientifique désigna une référence à une ceinture d’astéroïdes récemment perturbée par des forces marémotrices. Ces trente dernières années, des millions de débris avaient été expulsés de leur orbite par une masse très volumineuse. En soi, c’était assez courant, les systèmes solaires étant souvent instables. Mais les notes prises par les habitants d’un monde limitrophe – avant qu’il soit rendu inhabitable par des météorites – piquaient l’intérêt.

Dans les ruines, des fresques murales décrivaient une nouvelle étoile, une boule bleu-vert surgie de nulle part. Elle s’était volatilisée six mois plus tard, après avoir déclenché une guerre de religion qui avait anéanti une nation et réduit une autre en esclavage.

Les vainqueurs avaient d’abord célébré l’apparition de l’étoile, cessant de se réjouir quand du feu était tombé du ciel… Puis le nouveau soleil s’était volatilisé.

En deux générations, les habitants de ce monde avaient régressé à l’état primitif.

— Une autre visite, une autre culture violente…, résuma Mara. La corrélation semble évidente.

— Je ne vois aucune preuve que Zonama Sekot nuise délibérément aux peuples qu’elle rencontre, dit Luke.

— N’empêche, fit Mara, le résultat est là !

— Sans mauvaises intentions de sa part, peut-être, insista Luke.

— Elle manquerait de réflexion ? avança Stalgis.

— Ou elle ne réfléchissait pas à l’époque, ajouta Jacen. C’est une référence ancienne.

— Exact, admit Luke. Tant que nous n’aurons pas de données plus récentes, nous ne pourrons pas la juger.

Saba comprit alors qu’il se posait des questions au sujet de Zonama Sekot. Une entité aussi puissante qu’une planète pensante pouvait être poussée à faire le mal autant que le bien. Dans ce cas, l’Alliance Galactique devrait trancher… Sekot était-elle digne de confiance ? Ou pas ?

Qu’elle l’ait voulu ou non, elle avait semé la mort et la désolation dans son sillage, réduisant à néant des civilisations entières…

Des faits qui ne parleraient certainement pas en sa faveur.

— Bon travail, Danni, approuva Luke. Et ça vaut pour vous tous. Ce n’est pas rapide, mais nous progressons.

Munie d’une nouvelle liste remise par Tris, Saba suivit Danni dans le labyrinthe d’étagères.

Danni sortit un ouvrage sur un système proche de celui dont Saba lisait les références – et loin des autres régions de contact. Si elles dénichaient quelque chose, ça signifierait que Zonama Sekot cherchait une cachette dans toutes les Régions Inconnues. Mais si elle explorait la galaxie au hasard, sans plan défini, retrouver sa trace serait une gageure…

Saba consulta des ouvrages sur des dizaines de mondes, disparus, actuels ou naissants. Il y avait des milliers de nouvelles espèces à examiner. Saba devait se contenter de simples coups d’œil en diagonale à chaque fois… Le temps manquait pour tout lire.

— Fais une pause, si tu en as besoin, dit Luke quand elle retourna chercher un livre. Vous en avez tous le droit.

— Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée, renchérit Jacen. Danni et toi, vous travaillez depuis six heures. Nous avons pas mal de données à examiner pendant que vous vous reposerez un peu.

Saba en resta muette de saisissement. Six heures ? Ça ne lui avait pas semblé si long. Il était agréable de penser à autre chose, parfois… Pourtant, elle se sentit rattrapée par la fatigue. Sa queue était toute flasque !

— Non, dit-elle. Le temps passe. Et chasser est ma spécialité !

Elle ramassa un autre livre et reprit sa quête d’informations, patiente et déterminée.

 

Tête baissée, Jaina suivit Malinza sur le toit plat.

— Vous êtes sûre de savoir où vous allez ? demanda-t-elle.

— Positive, répondit la fugitive sans ralentir. Par là !

Arrivée au bord du toit, Malinza sauta. Jaina la vit atterrir sur un autre toit, deux étages en contrebas. Elle la suivit sans mal.

Vu de l’espace, Salis D’aar paraissait bien plus sophistiqué… L’humidité rongeait le permacier des sous-sols, et les végétaux envahissaient tout. Le refus d’utiliser des droïds signifiait que les travaux élémentaires d’entretien et de réparation n’étaient pas toujours faits. Plus on s’éloignait du centre de la cité, plus les lieux se dégradaient. La peinture des bâtiments s’écaillait, les rues étaient sales, les lampadaires, les bâtiments ou les véhicules sur répulseurs se raréfiaient…

Un monde bien différent de celui qu’on lui avait présenté à son arrivée.

Jaina restait à une dizaine de pas derrière Malinza. Loin de vouloir la rattraper, elle préférait la surveiller. Cette évasion était beaucoup trop facile, et son instinct lui soufflait de se méfier.

Elles descendirent un escalier conduisant au troisième étage d’un bâtiment, entrèrent par une fenêtre et se propulsèrent à la force des poignets le long d’un câble électrique. Dans l’autre bâtiment, qui avait l’air abandonné depuis l’invasion ssi-ruuvi, elles trouvèrent des bureaux vides et une serre revenue à l’état de jungle. Le toit, en transpacier sale, semblait conçu pour s’ouvrir la nuit. Du moins, il l’avait été car le mécanisme était rouillé.

Sur un balcon du deuxième étage, Malinza marqua une petite pause, attendant sa compagne. Soudain, Jaina la saisit par l’épaule et lui fit signe de se taire. Plus que jamais, elle avait le sentiment de foncer tête baissée dans une embuscade.

Elle entendit de l’eau dégouliner dans la végétation. Si la Sécurité de Bakura les avait pistées, ses agents étaient sacrément doués ! Mais Jaina avait la nette impression que la Sécurité de Bakura n’était pas le danger le plus grave…

Dans les arbres, la jeune femme entendit un clic. Aussitôt, elle sortit son sabre laser en poussant Malinza derrière elle.

— Elle est rapide…

Qui venait de parler ?

— Qui êtes-vous ?

— Regarde son sabre laser… Une Jedi ! s’exclama une autre voix.

— Un sabre laser contre trois fusils blaster… Elle ne peut pas être rapide à ce point !

— Essayez ! les défia Jaina en sondant la serre-jungle.

Deux hommes et une femme étaient perchés dans les arbres. Peut-être aussi une quatrième personne, plus haut, qui se taisait.

Le chef ?

Qu’importait… La Force les ferait basculer sans peine de leur perchoir.

— Tout va bien, dit Malinza en avançant. C’est une amie. Je crois.

— Que fait-elle ici ?

— Je l’ai amenée… Jaina, rengainez votre arme. Ce sont les membres de Liberté.

Jaina désactiva son sabre laser et se détendit un peu. Elle n’était pas convaincue que tout allait bien, mais ne voulait pas donner aux amis de Malinza l’impression qu’elle était leur ennemie.

Trois personnes descendirent des arbres. La femme était étonnamment belle, avec ses tempes rasées et le reste de ses cheveux blonds noué en queue-de-cheval. Son compagnon le plus proche portait un uniforme rapiécé de la sécurité, deux tailles trop grand pour lui. Il ne s’était pas rasé depuis une semaine.

Le troisième était un Rodien dont la peau verte se fondait dans le feuillage.

— C’est Jaina Solo, annonça Malinza.

Jaina inclina la tête, jetant un coup d’œil aux arbres pour repérer la quatrième personne.

— Et que veut Jaina Solo ? demanda la femme blonde.

— Il se passe quelque chose sur Bakura, répondit Jaina, et j’aimerais découvrir quoi.

— Quelque chose d’inhabituel ? Autre que l’exploitation des faibles par les puissants, le viol des ressources naturelles, la corruption des innocents… ?

— Doucement, Zel, fit la blonde. Ne la faisons pas fuir avant qu’elle n’ait tout dit.

— Attention, Jjorg, grogna le Rodien d’une voix rauque. Une Jedi peut influencer un esprit aussi ouvert que le tien.

— Ça marche seulement avec les personnalités faibles, rappela Jaina. Et je ne suis pas là pour un lavage de cerveau !

— Nous sommes censés vous croire sur parole ?

— Ça suffit, lâcha Malinza. Où est Vyram ? J’ai besoin de lui parler.

— Il rôde quelque part, répondit Zel. Comme d’habitude.

— Je soupçonne que c’est lui, dans l’arbre…, dit Jaina.

Il y eut un rire bref…

— Vous avez de bons yeux, Jedi, lança une voix désincarnée.

Les feuilles s’écartèrent. Vyram, un jeune homme mince aux cheveux noirs à peine plus âgé que Jaina, avait des pommettes saillantes et une barbe clairsemée.

L’homme que Malinza avait décrit comme le « cerveau de Liberté » esquissa un sourire.

— Vous êtes venue ici avec Malinza. Ça me suffit, pour le moment.

Jaina sentit une étincelle crépiter entre Malinza et lui, mais ils ne laissèrent rien paraître, s’en tenant à des liens strictement professionnels.

— Fais descendre ce truc, Zel, que nous puissions monter. J’en ai assez de vous parler d’en bas !

L’homme disparut dans les frondaisons. Malinza dirigea Jaina vers un escalier. En descendant, la Jedi victime d’un étourdissement, se rattrapa à quelque chose. Elle comprit alors que la « forêt » n’était pas ce qu’elle avait l’air d’être. Cette construction artificielle drapée de plantes reposait sur un lit de répulseurs bakuriens…

Jaina se demanda si Liberté avait trouvé une structure existante, ou l’avait fabriquée.

Quand Malinza et elle atteignirent le sol, la base de la structure oscillait à une longueur de bras au-dessus de leurs têtes. Elle n’était pas particulièrement élégante, évoquant des conteneurs joints entourés de câbles, de tubes et de treillis. Jaina aperçut des échelles, plus haut.

Malinza saisit un échelon, se hissant dans la forêt suspendue. Jaina remit son sabre laser à sa ceinture et l’imita. Puis la structure remonta jusqu’à sa position initiale.

Jjorg et Salkeli, le Rodien, attendaient à l’entrée du conteneur inférieur. Ils aidèrent Malinza à y prendre pied. Jaina dut se débrouiller seule.

Vyram était assis sur une caisse.

— Bienvenue dans la Cheminée. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est tout ce que nous avons.

— Où sont les autres ? demanda Malinza.

— Disséminés. Ou en patrouille. Les choses ont été un peu… difficiles.

— Ton arrestation nous a inquiétés, ajouta Salkeli.

— Moi, je ne m’en faisais pas, dit Zel en se laissant glisser dans le conteneur par un trou du plafond. Je suis resté froid.

— Ouais…, grogna Jjorg. Aussi froid qu’une naine rouge !

Malinza les ignora.

— Je suis sûre que les autres reviendront dès qu’on apprendra mon évasion.

— Et je suppose qu’elle a un rapport avec ta fuite ? demanda Salkeli.

— Jaina ? En fait, Vyram, j’ai cru que c’était toi.

Le garçon aux cheveux noirs secoua la tête.

— J’ai essayé, mais les défenses ont déjoué toutes mes tentatives. J’avais l’intention de recommencer demain, pendant la consécration.

Malinza fronça les sourcils.

— Si ça n’était pas toi, alors, qui ?

— Sans doute un autre groupe, répondit Vyram. Ou quelqu’un de l’intérieur. Un garde sympathisant du mouvement…

— Ou un personnage plus haut placé, ajouta Jaina.

— Que voulez-vous dire ? demanda Malinza.

— Cundertol ne croyait pas à votre culpabilité, répondit Jaina. Si on a monté un coup contre vous et qu’il ne pouvait rien faire officiellement, il a peut-être décidé de faciliter votre évasion.

— Le Premier ministre ? fit Zel. Impossible ! Ce serait vraiment trop bizarre !

— Pour le moment, peu importe. Je suis content que tu sois revenue.

Jaina sentit de nouveau quelque chose… Il y avait plus que du respect entre Vyram et la jeune leader du mouvement Liberté.

— Malinza n’est pas encore sortie d’affaire, rappela-t-elle. C’est une fugitive… Elle doit rester cachée jusqu’à ce que nous découvrions qui a enlevé Cundertol.

— Les informations que j’ai réunies ne m’ont fourni aucun indice, avoua Vyram.

— Pourrais-je les voir ? demanda Jaina.

Le jeune homme regarda Malinza, qui acquiesça.

— Venez, dit-il en se levant. J’espère que vous n’avez pas le vertige. Mon atelier est tout en haut de la Cheminée.

— Ne vous inquiétez pas pour moi.

Vyram lui fit un sourire en coin et grimpa par le trou du conteneur. Jaina et les autres suivirent. Ils montèrent d’environ quinze mètres dans la jungle, jusqu’à l’atelier de Vyram. La Cheminée était solide, sinon Liberté ne l’aurait pas utilisée comme base, mais… Les instincts de Jaina lui soufflaient le contraire. Le moindre mouvement ébranlait les parties supérieures de la structure.

— Prenez un siège, dit Vyram en désignant une pile de caisses, dans un coin.

Il prit place sur un fauteuil orthopédique flottant installé devant une série de claviers et d’écrans, dont certains montés sur répulseurs.

Jaina s’assit, ainsi que Malinza, Zel et Jjorg.

Salkeli resta debout.

Vyram alluma le système informatique.

— Je sais, ça n’est pas grand-chose, mais…

— Vu les circonstances, c’est plutôt impressionnant, dit Jaina. Vous êtes branché sur le réseau planétaire ?

— Pas en permanence. Nous avons un holocom sur le toit, dont nous nous servons seulement quand nous avons besoin d’un accès direct. Sinon, s’infiltrer dans le système, récupérer ce que nous voulons et examiner les données après est moins risqué. Des capteurs me signalent ce qui semble intéressant, et je vérifie. Si nécessaire, je retourne dans le réseau pour en savoir plus.

Malin…, pensa Jaina.

Sur un réseau, la détection des nodes illégaux était difficile, mais pas impossible. S’immiscer dans le système com planétaire à intervalles irréguliers rendrait encore plus ardue l’identification de Liberté.

— Qu’avez-vous, pour le moment ? demanda Jaina. Malinza m’a dit que vous aviez découvert des preuves de corruption au niveau sénatorial. Ça n’a rien d’exceptionnel… Tous les gouvernements que je connais ont ce genre de problèmes – y compris le mien !

— Voilà pourquoi nous combattons le gouvernement. Il faut une opposition forte pour guider le Sénat et le Premier ministre sur la bonne voie. Nous sommes la conscience de la planète.

— Vous gardez les choses en équilibre, comprit Jaina.

— Exactement, approuva Malinza.

— Mais comment financez-vous votre mouvement ? Tout cela a dû coûter cher…

— Pas tant que ça. Le matériel est souvent de seconde main, ou d’emprunt, et la Cheminée existait déjà. Nous l’avons adaptée à nos besoins. C’est mieux que d’avoir des dettes…

— Nos alliés d’aujourd’hui peuvent être nos ennemis de demain, renchérit Malinza. Nous ne sommes pas naïfs. Le seul moyen d’être vraiment objectif consiste à rester indépendant.

— J’admire vos efforts, dit Jaina.

Elle n’approuvait pas les buts ou les méthodes de Liberté, mais elle était sincèrement impressionnée par ses membres.

— Pourtant, quelque chose a changé. Quoi ?

— Notre seule trouvaille récente, répondit Vyram, concerne une fuite de fonds gouvernementaux via plusieurs intermédiaires. Les montants étaient tous différents, et les paiements irréguliers, mais nos logiciels les ont quand même repérés.

— Où l’argent a-t-il été transféré ?

— Nous ne l’avons pas su. Celui qui a mis ça sur pied est très prudent. Nous avions à peine commencé à fouiller quand le black-out des communications s’est produit.

— Vous pensez que c’est ça qui a conduit à l’arrestation de Malinza ?

— De quoi d’autre pourrait-il s’agir ? demanda Vyram. Nous n’avons jamais rien découvert d’aussi grave. Il s’agit de millions de crédits ! Quelqu’un du gouvernement se cache derrière ce scandale, car personne d’autre n’aurait eu les codes d’accès de ces fonds et du système de virement automatique… Si ça se savait, ça ferait du bruit, croyez-moi !

— Nous avons dû déclencher une alarme informatique en piratant les données, ajouta Malinza. Et les responsables ont compris que nous étions sur la piste des fuites de fonds… Ils ont aussitôt pris des mesures, avant que nous puissions réunir assez de preuves pour rendre l’affaire publique. Nous ignorons qui est derrière tout ça.

— Et c’est notre parole contre celle du gouvernement, rappela Vyram. Or, après l’arrestation de Malinza, notre parole ne vaut plus rien.

— Il y a des suspects, malgré tout, dit Jaina. Quelqu’un de haut placé, capable d’organiser les paiements, et d’ordonner l’arrestation de Malinza.

— Qui, par exemple ?

— Que diriez-vous de Blaine Harris ? suggéra Jaina. Il nous a appris l’arrestation de Malinza. Il est assez bien placé pour avoir pu orchestrer tout le reste.

— Possible, admit Malinza, après un coup d’œil à Vyram.

— Je peux examiner son dossier, dit ce dernier. Je vais me brancher sur le réseau et voir ce que je déniche sur lui.

— Vous avez piraté le dossier personnel du Premier ministre adjoint ? s’étonna Jaina.

Vyram lui sourit.

— Laissez-moi une minute, et ce sera fait.

Il lança un nouveau programme. Jaina n’était pas la seule à apprécier son habileté : Malinza rayonnait d’admiration…

Soudain, une série d’alarmes se déclencha.

Vyram fronça les sourcils.

— Des problèmes ? demanda Jaina.

— Je ne peux pas me connecter, dit-il. Il y a des interférences.

— Un brouillage ?

— Je ne crois pas. Plutôt un signal annulant l’alimentation venue du satellite. Voyons si je peux me brancher dessus…

Il passa à un autre programme.

— Ça y est ! jubila-t-il.

Un bip régulier sortit des haut-parleurs de l’ordinateur.

— Je connais ce son ! dit soudain Zel. C’est une balise de repérage !

Tout le monde se tourna vers Jaina.

— Voilà pourquoi mon évasion a été si facile ! s’écria Malinza.

— Un instant ! protesta Jaina.

— Vous les avez conduits jusqu’à nous ! accusa Salkeli.

— C’est une espionne ! lança Jjorg. Tuons-la !

— Attendez, dit Vyram en ajustant une antenne directionnelle. La transmission ne vient pas d’elle.

— Quoi ? fit Jjorg. D’où vient-elle ?

Vyram désigna Malinza.

— Moi ?

La jeune femme pâlit.

— J’en ai peur, confirma Vyram en vérifiant ses données. Le signal est le plus fort là où tu te tiens.

Les autres la regardèrent, indécis.

— Est-il possible de localiser la balise ? Nous pourrions peut-être la détruire à temps…

Vyram régla l’antenne, et la passa sur le corps de Malinza. Le bip devint plus fort dans la région de son estomac.

La jeune fille souleva sa tunique. La ceinture de son pantalon avait une petite bosse…

— Ils t’ont collé une balise de repérage depuis le début ! cria Zel, affolé.

— Calme-toi ! grogna Jjorg, irrité. Nous avons des alarmes de périmètre. Nos ennemis ne pourraient pas approcher sans que nous le sachions.

— Pourquoi l’ont-ils fait maintenant ?

Jjorg se tourna vers Salkeli.

— Que veux-tu dire ?

— Ils auraient pu placer une balise sur Mali il y a des mois. Pourquoi maintenant ?

— Parce que c’est une fugitive. Que nous cachons… Un délit clair et précis, pas quelque chose d’aussi nébuleux que du piratage de données…

— Seulement si ce dont on m’accuse était vrai, rappela Malinza. Or, ce n’est pas le cas.

— Peu importe, trancha Jaina. Il faut filer !

— Fuir aggravera notre situation, protesta le Rodien.

— Je suis d’accord avec la Jedi, dit Zel. Rester nous conduira tout droit en prison.

Un bourdonnement aigu sortit de l’ordinateur. Tout le monde regarda Vyram.

— Les alarmes de périmètre…, dit-il.

— Je le savais ! cria Zel, agité.

— Tais-toi, Zel ! cracha Malinza. Vyram, laquelle s’est déclenchée ?

— Nord Quatorze et Sud Sept. Nos ennemis arrivent de deux directions.

— Alarme aérienne ?

— Pas encore.

— Parfait. (Redevenue la chef indiscutable du groupe, Malinza se tourna vers les autres.) Je suis ouverte à toute suggestion.

— Pourquoi ne pas laisser la Jedi les combattre ? fit Zel. Elle pourrait facilement…

— Non ! Pas de bagarre. Vous savez que je n’approuve pas la violence.

— Nous n’aurons peut-être pas le choix, Malinza, dit Jjorg.

— Il y a une autre solution, intervint Jaina. Donnez-moi la balise, et je les entraînerai sur une fausse piste.

— C’est un peu tard pour ça, soupira Jjorg. Ils sont tout près !

— Mais ils ne sont pas encore là, fit Vyram, pensif.

— Ils ne sont pas idiots, protesta Jjorg. Ils se rendront vite compte qu’on essaie de les abuser.

— Pas si on leur présente plusieurs variables en même temps…, insista Vyram. Nous avons mis en place une diversion, au cas où on nous débusquerait… (Il inspira à fond, regardant Malinza.) Le moment est venu, non ?

Elle arracha la balise de sa ceinture et la donna à Jaina.

— Ils approchent. Dépêchez-vous !

— Je viens avec vous, proposa Salkeli. Je connais les rues mieux que vous.

— D’accord, dit Jaina.

Le Rodien avait raison.

Puis elle se tourna vers Malinza.

— Me direz-vous où vous allez ?

— Il vaudrait mieux que vous l’ignoriez. (Elle tendit la main à Jaina, qui la serra.) Mais nous nous reverrons, j’en suis sûre.

— Après vous, dit Jaina à Salkeli.

Le Rodien se laissa tomber du conteneur.

 

Dans la bibliothèque, le travail était fastidieux. Après tant d’heures passées à éplucher les livres, Saba sentait la fatigue lui raidir les muscles. Il y avait assez de références à une planète errante dans les différentes cultures pour que tout le monde soit optimiste. Après la première découverte de Danni, Saba en avait trouvé deux autres, puis Jacen, une. Pour les passages les plus récents près d’une planète habitée, ils parvinrent à dater assez précisément les événements. Dans la plupart des cas, il existait encore des témoins pour raconter aux équipes de contact chiss leurs premières expériences de l’« Arrivée de la Nouvelle Etoile », de l’« Aube du Soleil de la Mort », ou quel que soit le nom sous lequel ces cultures connaissaient le phénomène.

Grâce à ces témoignages et à des résultats d’explorations récentes, ils commencèrent à se faire une idée des mouvements de la planète.

Zonama Sekot était apparue pour la première fois sur les Franges Impériales des Régions Inconnues, où elle avait visité trois systèmes en deux ans. Puis elle avait fait un saut hyperspatial, gagnant le bord extérieur de la galaxie où les systèmes habités étaient peu nombreux. Là, elle avait rencontré une espèce qui raconta aux Chiss, peu avant d’être réduite en esclavage par les Yuuzhan Vong, qu’une planète était restée dans leur ciel pendant un mois, brûlante et fumante. Cela ne correspondait pas à la description du monde luxuriant faite par Vergere, mais collait bien au type de stress que la croûte d’une planète subirait en entrant et en sortant de l’hyperespace par les puits gravifiques.

Personne n’avait entendu parler d’un tel exploit. Il n’existait pas d’enregistrement de données expérimentales, mais les connaissances les plus élémentaires suggéraient que Zonama Sekot n’avait pas pu se tirer indemne de ses sauts précipités à travers la galaxie.

Ensuite, elle s’était retirée vers l’intérieur, en direction du Noyau. Elle y avait rencontré plusieurs espèces en succession rapide, avant de s’installer dans un système particulier pendant près d’un an. La nouvelle lumière, dans le ciel, avait provoqué un regain d’agressivité chez les citoyens normalement paisibles du seul monde habitable de ce système. Les deux principales nations luttèrent pour savoir laquelle ferait atterrir la première une sonde sur leur mystérieuse visiteuse. Mais celle-ci disparut bien avant que la sonde se place en orbite.

Les photos antérieures à sa disparition montraient un monde voilé de fumée et de cendres, bouillonnant sous sa chaleur interne. Saba éprouva de la pitié pour la planète en fuite, quand elle compara ces images au témoignage de Vergere, rapporté par Jacen, qui parlait d’un monde bruissant de vie et en harmonie avec la Force…

Bizarrement, les rapports ultérieurs, venus de la bordure de la galaxie, évoquaient un monde redevenu luxuriant… Zonama Sekot s’était guérie, ou elle avait compris comment enchaîner les sauts hyperspatiaux sans subir autant de dégâts. Elle allait à sa guise d’étoile en étoile, à la recherche de…

… Quoi ? se demanda Saba.

Elle n’en avait aucune idée.

Zonama Sekot avait-elle perdu en chemin la seule compagnie qu’elle ait jamais eue, les colons Ferroans qui avaient vécu pendant des générations à sa surface. Leur chercherait-elle des remplaçants ?

Etant une des rares survivantes de son espèce, Saba pleurait toujours la perte de sa planète natale… Elle transposait donc vraisemblablement son problème sur Zonama Sekot… Qui pouvait comprendre ce qui se passait dans « l’esprit » d’un être aussi fantastique qu’une planète pensante ?

Un hurlement aigu fit sursauter Saba. Elle faillit lâcher le livre qu’elle rapportait sur l’étagère. Elle se tourna et découvrit au bout de l’allée une grande femme d’âge mûr, vêtue d’une combinaison verte sous ses robes noires…

Les deux mains plaquées sur la bouche, elle était visiblement alarmée de voir une Barabel.

Derrière elle, elle découvrit une adolescente vêtue d’un uniforme noir de la Flotte Chiss.

— Je suis désolée, balbutia l’inconnue en baissant les bras, vous m’avez surprise.

— Inutile de vous excuser, répondit Saba. Je suis tout aussi étonnée. Nous pensions être seuls dans la bibliothèque.

— C’est le cas. Enfin, ça l’était…

— Ma mère veut dire que nous venons d’arriver, intervint l’adolescente. Nous cherchons mon père, Soontir Fel.

Mais elle détourna le regard, comme si elle était honteuse de proférer un mensonge.

— Oh…, dit Saba. Vous êtes Syal Antilles ?

La femme sourit.

— Oui. Et voilà ma fille, Wyn.

Saba fit une petite révérence. L’épouse de Soontir Fel, la mère de Jagged Fel et la sœur de Wedge Antilles, était une personne qu’elle avait plaisir à rencontrer.

— Je suis Saba Sebatyne.

— Que cherchez-vous ? demanda Wyn, en tendant le cou pour lire le titre de l’ouvrage que Saba venait de ranger.

La Barabel hésita. Que devait-elle révéler ?

— J’ai lu des informations sur un peuple, les Hemes Arbora.

— Jamais entendu parler d’eux…

Saba reprit le livre et l’ouvrit, montrant une des étranges cartes à deux dimensions.

— Ils venaient de Carrivar, et ont émigré vers Osseriton, ici, en passant par Umaren’k. J’ai détecté leur influence sur la culture d’Umaren’k.

— De quelle manière ?

— Wyn…, souffla Syal.

La femme de Fel, remarqua Saba, se tenait à une distance de « sécurité ». Malgré le temps passé au milieu des Chiss avec le baron Fel, elle se méfiait toujours des non-humains, comme tant d’impériaux.

Elle se tourna vers Saba.

— Je vous prie d’excuser la curiosité de ma fille… Je suis sûre que vous avez assez à faire sans qu’elle vous importune avec ses questions.

— Votre fille ne me dérange pas, assura Saba. (Elle se tourna vers l’adolescente.) Nous cherchons une planète. A part son unique monde habitable, Osseriton est un système vide. Les Hemes Arbora auraient remarqué une nouvelle planète.

Wyn gloussa.

— Vous avez une voix bizarre, dit-elle.

— Wyn !

L’adolescente, plus petite que Saba d’un bon mètre, regarda la Barabel d’un air complice et leva les yeux au ciel, tournant le dos à sa mère.

Saba sourit.

— Ne vous inquiétez pas. Je ne suis pas offensée par ses paroles, dit-elle à Syal.

Wyn lui rendit son sourire, puis examina les cartes, les yeux brillants.

— Vous devez mener une vie si intéressante ! Voyager, vivre tant d’aventures !

Du point de vue d’une enfant, sans doute… Les Chevaliers Jedi avaient une aura de mystère aux yeux de tous ceux qu’ils croisaient. Pourtant, en l’occurrence, le travail de Saba n’avait rien de particulièrement palpitant.

— C’est donc vrai…, dit Syal. Vous voudriez nous faire croire que vous cherchez Zonama Sekot !

— C’est notre but, oui.

— Mais il s’agit d’une légende ! D’un mythe ! (Syal jeta un regard soupçonneux à Saba.) Que voulez-vous, en réalité ?

— J’ignore ce que…

— J’ai du mal à croire que vous ayez fait tout ce chemin à la poursuite d’une chimère !

Saba fronça les sourcils, ses arcades sourcilières se contractant. Pourquoi la femme avait-elle soudain changé de ton ? Que sous-entendait-elle ?

— Sinon, pourquoi maître Skywalker nous aurait-il amenés ici ?

— Pour entrer dans la Bibliothèque de la Flotte, bien entendu ! Elle vous donne accès à toutes les connaissances des Chiss !

— Pourquoi désirerions-nous obtenir ces renseignements ?

— Vous voulez trouver des alliés. Nous avons mieux résisté aux Yuuzhan Vong que vous. Donc, vous avez plus besoin de nous que l’inverse !

— D’après vous, nous chercherions un moyen de vous convaincre de rejoindre l’Alliance Galactique ?

— Ou de nous y contraindre, confirma Syal.

— Maman…, dit Wyn, embarrassée. Saba, ne l’écoutez pas. En fait, elle a peur que vous emmeniez papa avec vous, comme vous avez emmené Jag.

— Wyn ! grogna Syal.

— Allons, maman ! Tu t’inquiètes pour papa depuis le départ de Jag.

— Ce n’est pas vrai ! protesta Syal.

Mais sa dénégation sonnait faux.

Elle soupira.

— Je ne m’inquiète pas « depuis le départ de Jag », Wyn, mais depuis la chute de Coruscant.

Saba n’y comprenait plus rien. Elle aurait préféré que maître Skywalker gère de la situation…

— Avant Coruscant, j’ai tenté de convaincre Soontir de se joindre à la lutte contre les Yuuzhan Vong, dit Syal. Je voulais qu’il rallie la Nouvelle République, comme Jag, avec ou sans les Chiss. Mais il a refusé. A l’entendre, la Nouvelle République pouvait se débrouiller avec les Yuuzhan Vong, comme nous le faisions à l’autre bout de la galaxie. Puis la capitale est tombée, et… (Elle hésita.) J’ai compris deux choses : qu’il changerait d’idée, et que vous perdriez la guerre. Je ne vous laisserai pas l’emmener !

— Croyez-vous qu’il sera en sécurité ici, si les Chiss restent neutres ?

L’expression de Syal apprit à Saba ce qu’elle voulait savoir… Si le reste de la galaxie tombait entre les mains des Yuuzhan Vong, elle n’ignorait pas que les Chiss n’auraient aucune chance. Un jour ou l’autre, les envahisseurs enfonceraient leurs défenses.

— Ne sous-estimez pas les Yuuzhan Vong, avertit Danni, qui apparut à l’autre bout de l’allée.

Saba ne l’avait pas entendue arriver. Depuis combien de temps écoutait-elle ?

— Trop des nôtres ont déjà payé pour ça. La Nouvelle République, l’Empire, les Hutts, les Ithoriens, les Rodiens… La liste s’allonge sans cesse. Vous savez ce qui se passe, et vous devez comprendre que ces envahisseurs sont une menace des plus sérieuses. Croyez-vous que vous cacher ici vous protégera à tout jamais ? Ils décideront peut-être de vous éliminer, juste pour le plaisir, comme ils l’ont fait avec les Vestiges de l’Empire.

— Votre position est intenable, renchérit Saba. Le nier ne change rien à rien.

— Je ne veux pas le perdre, murmura Syal. Je ne le supporterai pas…

— Maman, gémit sa fille, effrayée.

— N’ayez pas peur, dit Saba sa voix rauque de reptile vibrant de compassion. Nous ne sommes pas vos ennemis. Et nous comprenons vos craintes. Mais il n’existe pas de solution simple à ce problème. Ignorer la guerre ne suffira pas. Il faut des solutions à long terme. Nous devons y travailler ensemble. J’en suis certaine, Syal Antilles.

— Vous êtes Syal Antilles ? demanda Danni.

— Oui. Pourquoi ?

— Le baron Fel vient d’arriver. Il n’a pas mentionné qu’il vous attendait.

— Il ne nous attend pas, dit Syal – confirmant l’impression de Saba au sujet du mensonge de Wyn. Nous avions entendu parler de votre arrivée, et nous désirions vous rencontrer… (Elle sourit.) Maintenant que c’est chose faite, nous passerons notre chemin. Merci pour vos paroles, Saba. Et veuillez accepter mes excuses pour les miennes.

— Inutile, répondit Saba en s’inclinant.

Syal Antilles lui rendit sa révérence.

— Viens, Wyn.

— Je reste pour les aider. D’accord ?

Saba et Danni acquiescèrent.

— Je doute que ce soit une bonne idée, Wyn. Elles n’ont pas besoin que tu les déranges.

— Elle peut rester, dit Danni. En fait, son aide nous serait utile.

— Vous êtes sûre ? insista Syal.

— Je suis certaine que Wyn ne serait pas un fardeau pour nous, affirma Saba.

— Vous ne le regretterez pas ! s’écria l’adolescente. Je connais ces archives mieux que la plupart des gens, Tris comprise !

— J’en doute, dit sa mère.

Wyn se tourna vers Danni.

— Est-il vrai qu’un des jumeaux Solo est ici ?

— Jacen Solo est là, oui, répondit Danni.

— Ne te précipite pas, Wyn, avertit Syal. Il faut demander l’autorisation de ton père.

— Il n’y verra pas d’inconvénient, maman ! lança Wyn en sautillant d’excitation.

— Je m’occuperai d’elle pendant que vous vérifiez avec son père, dit Saba.

Syal hocha la tête, troublée.

— Merci ! dit Wyn, quand sa mère et Danni furent parties. Ce sera fantastique !

— Mais difficile, prévint Saba. Et tout ça est très important !

— Je comprends, fit Wyn, se forçant au calme. Bon… Par où voulez-vous commencer ?

 

Jaina suivit Salkeli aussi vite que possible le long des tuyaux de la Cheminée. La structure frémit quand elle s’abaissa légèrement pour faciliter leur saut à terre. Puis Jaina jeta des regards circonspects à la ronde, s’assurant que la voie était libre. Les gardes bakuriens n’étaient pas arrivés au niveau du sol.

Salkeli lui fit signe. La balise dans une poche, son sabre laser éteint à la main, Jaina progressa furtivement à sa suite. Le Rodien la guida hors de l’atrium, le long d’un labyrinthe de couloirs. Ils entrèrent dans une ancienne cabine de toilette publique, puis sortirent par la fenêtre.

— Après vous, cette fois, dit Salkeli.

Jaina déboucha dans une ruelle. Il faisait encore nuit, mais l’aube ne tarderait plus. Malinza et ses compagnons avaient intérêt à se dépêcher !

— De quelle « distraction » parlait Vyram ? murmura-t-elle quand le Rodien l’eut rejointe.

— Patience, dit Salkeli en clignant de l’œil.

Ils remontèrent la ruelle. Les gardes n’auraient pas de mal à pister Jaina, avec la balise dans sa poche. Il lui fallait trouver un cratsch sauvage ou un droïd égaré pour la coller dessus, avant de pouvoir s’échapper.

En attendant, elle devrait redoubler de prudence.

Salkeli était à dix mètres du bout de l’allée quand un véhicule aérien les survola. Jaina entendit le bourdonnement des turbines lorsqu’il refit un passage vers eux…

Ils étaient repérés.

A travers la Force, Jaina sentit le blaster pointé sur elle avant que l’opératrice puisse tirer. La jeune Jedi activa son sabre laser et intercepta la décharge d’énergie. L’éclair empêcha la femme de tirer avec précision.

Jaina disparut derrière Salkeli, qui la couvrait.

Percevant qu’il n’y avait personne devant eux, Jaina partit à la course vers l’autre bout de l’allée.

Elle arriva dans une rue plus large – et plus exposée. Salkeli se dirigeait vers une fenêtre cassée du bâtiment d’en face. Son sabre laser éteint, Jaina le suivit, plongea par la fenêtre et exécuta une roulade, se relevant dans la foulée.

Ils étaient dans les ruines d’un bureau paysager.

Salkeli se remit sur pied à l’instant où les gardes débouchaient à l’autre bout de l’allée.

Ils descendirent dans le sous-sol du bâtiment. Il ouvrit une porte d’un coup de pied et emprunta un tunnel qui, d’après sa longueur, courait sous plusieurs bâtiments.

— Vous avez un plan ? demanda Jaina.

— Plus ou moins, répondit-il. Nous remonterons dans une seconde, pour leur faire perdre notre piste. Dès que nous serons sûrs que Malinza et les autres sont en sécurité, j’accepterai toute suggestion !

Des bruits de pas retentirent dans le couloir, derrière eux. Jaina activa son sabre laser à temps pour dévier quelques décharges d’énergie. Salkeli s’engouffra dans le premier escalier qu’ils trouvèrent. Jaina le suivit.

Salkeli grimpa jusqu’en haut du bâtiment… où le véhicule aérien les attendait. Deux gardes les canardant, Salkeli et Jaina s’abritèrent derrière un conduit de ventilation. La jeune Jedi secoua le véhicule, pendant que Salkeli tirait. Mais la situation n’était pas brillante : ils n’avaient pas de chemin de fuite.

Et d’autres gardes déboulèrent de l’escalier…

Une explosion interrompit les tirs. L’attention des gardes se tourna vers une grande boule de gaz enflammé jaillie de la verrière d’un bâtiment voisin – celui de la Cheminée.

Elle s’éleva gracieusement dans le ciel, des morceaux de transpacier brisé retombant en pluie sur le bâtiment. Propulsée par ses répulseurs, la structure flottait comme un ballon gonflé à l’air chaud. Dès qu’elle fut au-dessus du bâtiment, elle dériva dans le sens du vent, traînant un nuage de fumée et de débris.

Le véhicule tenta d’arrêter la structure flottante. Les gardes restés sur le toit ne purent détacher leurs yeux du spectacle.

— C’est le moment de faire des suggestions ! siffla Salkeli. Avant qu’ils se souviennent de la raison de leur présence ! Ils sont entre nous et notre seul moyen de fuir !

— Il y en a un autre…, dit Jaina.

— Ne me dites pas que les Jedi savent voler ! s’exclama Salkeli.

— Non, mais nous savons sauter. Venez !

Elle courut vers le bord et se jeta dans le vide.

Au lieu d’atterrir sur un autre toit, elle plongea dans un aqueduc au courant rapide, se débattit pour s’orienter et revenir à la surface… Les poumons en feu, elle remonta enfin, toussant et crachant.

Elle entendit alors le rire un peu essoufflé du Rodien, non loin d’elle.

— Par là ! lança-t-il.

Elle le rejoignit à la nage.

Le courant les emporta dans un tunnel haut de plafond.

— J’imagine que la « diversion » était la Cheminée. Vide, bien entendu ?

— Exact. Mes compagnons l’ont évacuée par les sous-sols pendant que les gardes fonçaient dans d’autres directions.

— Mais tout cet équipement ! Ces données !

— Ils sont remplaçables, contrairement à nos vies. Bon, nous y voilà… Nagez vers le bord.

— Vous savez où nous sommes ? demanda Jaina, surprise.

— Un Rodien a toujours un plan de fuite, dit Salkeli. Je croyais que tout le monde le savait.

— Mais… c’est moi qui ai suggéré de sauter !

Le Rodien ricana.

— J’y étais déjà décidé. Je voulais seulement tester votre courage.

Arrivé au mur, il trouva des prises dans le mortier érodé.

— Là-haut, dit-il. Vous voyez ?

Jaina leva la tête : une écoutille d’inspection ouverte donnait sur une échelle rouillée. La Jedi se dirigea vers elle, mais le courant était plus fort à cet endroit.

Jaina eut du mal à ne pas être emportée.

— Je vous aide à grimper, dit le Rodien.

— Pas la peine…

Elle le poussa avec la Force, amusée par sa surprise.

— D’abord, j’ai quelque chose à faire.

Sortant la balise de sa poche, elle la jeta dans le courant. Que les gardes fouillent donc les égouts pour la retrouver !

Puis elle gravit l’échelle.

Le soleil se levait quand elle émergea de l’écoutille dans un autre secteur de la ville, aux rues plus larges et aux bâtiments mieux entretenus.

— Nous avons réussi !

— Vous vous êtes débarrassée de la balise ?

— Oui.

— Je crois que vous avez assez aidé Liberté pour aujourd’hui, dit le Rodien. Voulez-vous que je vous raccompagne en ville ?

— Tant que vous ne me proposez pas de nager…

Souriant, Salkeli gagna un bâtiment et saisit un code sur le clavier de la porte du hangar, qui s’ouvrit sur un speeder poussiéreux mais en état de marche.

— Vous n’allez pas me dire qu’il vous appartient ? demanda Jaina.

— Me croiriez-vous ?

— Ma foi… Il paraît que les Rodiens ont toujours un plan de fuite !

Amusé, il fit signe à Jaina de monter à bord, puis passa à l’arrière pour régler le stabilisateur. A cet instant, son instinct avertit Jaina qu’un danger la guettait…

Trop tard. Elle sentit une vive douleur dans le dos.

Elle se retourna…

… Et vit Salkeli rengainer son blaster.

— Toujours, conclut-il.

Jaina sombra dans les ténèbres.

 

Elle courait aussi vite que possible le long des couloirs déserts, ignorant où elle était, où elle allait.

Peu lui importait…

Mais impossible d’oublier. Depuis la mort de ses parents sur Tatooine jusqu’à sa « dépression nerveuse » sur Bakura, sa vie était une tragédie.

Sans oublier la disparition d’Anakin !

Souvenez-vous : ensemble, vous êtes plus forts que la somme de vos forces séparées…

Les dernières paroles de maître Ikrit, transmises par la Force, lui avaient permis d’accepter ses sentiments pour Anakin. Elle l’aimait depuis toujours. Enfant, elle avait éprouvé pour lui une amitié qui avait évolué vers un sentiment plus tendre…

Et maintenant, à cause des Yuuzhan Vong, cet amour ne se concrétiserait jamais.

Elle sanglota. L’absence d’Anakin était comme un vide en elle, que rien ne comblerait. L’avenir qu’ils auraient pu partager n’existerait pas.

Ça n’aurait pas dû arriver ! aurait-elle voulu crier à l’univers. Je veux que les choses redeviennent comme avant… Que cette douleur cesse !

Elle roula sur le sol en position fœtale…

Anakin s’était sacrifié pour sauver les autres. Elle aurait voulu remonter le temps et se battre à ses côtés, l’aider à vaincre les Yuuzhan Vong…

Elle aurait voulu mourir avec lui, parce que sans lui, la vie n’avait plus de sens.

Les souvenirs…

 

« Vous n’êtes pas immortels », leur avait dit Corran Horn, sur un astéroïde près de Yag’Dhul. « Ni invincibles… »

« Tout le monde a une mauvaise surprise, un jour ou l’autre », avait répondu Anakin. « Je préfère être debout à ce moment-là, plutôt qu’à genoux… »

Les souvenirs…

« J’ai pensé au Côté Obscur toute ma vie. Ma mère m’a donné le prénom de Dark Vador. Toutes les nuits, dans mes cauchemars, je me retrouvais dans l’armure de grand-père… »

Les souvenirs…

« Tu étais scarifiée et tatouée comme Tsavong Lah », dit Anakin. « Une Jedi obscure ! »

« Tu ne penses pas que ça risque toujours de m’arriver ? » avait-elle demandé, horrifiée par sa vision. « Tu m’as sauvée avant qu’ils aient terminé ma transformation. Anakin, je ne me joindrai jamais aux Yuuzhan Vong ! »

Les souvenirs…

« Ce serait sans doute plus simple si nous ne nous en tirions pas… »

C’était après leur premier baiser, quand tout avait changé…

« Oui. Tu regrettes ce qui est arrivé ? »

« Non. Pas une seconde. »

« D’accord. Débrouillons-nous pour survivre et tirer ça au clair ! »

Les sanglots la déchiraient comme des vibrolames. Elle était si seule ! La famille d’Anakin aurait pu devenir la sienne, mais tous avaient peur, se méfiant d’elle. Tout le monde la repoussait.

Tout le monde, sauf…

 

— Tahiri ?

La jeune femme sursauta et se releva d’un bond, sabre laser au poing. Les larmes lui brouillaient la vue.

Qui avait parlé ?

— Si vous faites un pas dans ma direction, je vous jure que… !

— Je ne bougerai pas. J’ai entendu dire que vous vous étiez perdue, et je viens vous aider.

Elle ne reconnut pas la voix.

— M’aider ? Pourquoi ? Vous ne me connaissez pas !

— Mais si. Vous êtes la Jedi qui a été modelée. Vous êtes…

— Ne m’appelez pas comme ça ! cria-t-elle.

L’inconnu recula quand la pointe du sabre laser le menaça.

— Désolé. J’ignorais que cela vous déplaisait.

— C’est le cas ! Ça me rappelle des choses que je préfère oublier.

— Je comprends. Vous nous ressemblez sur de nombreux points.

— Qui êtes-vous ?

— Un ami. Nous nous sommes rencontrés au spatioport.

— Le Ryn ?

Tahiri cligna des yeux pour chasser ses larmes. Son interlocuteur avait la peau grise, un bec à la place du nez, et sa queue préhensile battait l’air.

— C’est bien vous, dit-elle, étonnée de trouver un air familier au Ryn alors qu’elle n’avait jamais vu son visage auparavant.

— Oui. Je m’appelle Goure. Dites, ça vous gênerait de ranger ça ? (Il désigna le sabre laser.) Nous risquons d’attirer l’attention…

Tahiri s’aperçut qu’ils étaient dans un passage public. A l’autre bout du couloir, les gens s’attroupaient, observant avec curiosité la Jedi et le Ryn.

Elle éteignit son sabre laser et le raccrocha à sa ceinture.

— Désolée, dit-elle, horrifiée par sa bêtise. Je n’avais pas l’esprit très clair.

Goure haussa les épaules.

— Il n’y a pas de quoi avoir honte. Suivez-moi. Je vous emmène dans un endroit discret. Mais ne donnez pas l’impression de me suivre. Votre serviteur vous ouvre la marche…

— Je me suis perdue, et vous me raccompagnez chez moi.

— Exactement. Par ici…

Il avança lentement, comme courbé par le poids des ans.

Tahiri le suivit, tête haute, visage fermé, toisant les passants avec hauteur. Grâce à la Force, elle endormit la curiosité des plus acharnés, et apprécia toute l’ironie de la situation : elle était incapable d’apaiser son propre esprit, toujours en émoi.

Goure la conduisit dans les couloirs et les passages de Salis D’aar. La cité au sol fertile regorgeait de plantes vertes. Des arbres poussaient partout, aux emplacements évidés de la chaussée. Par endroits, on aurait pu croire que la jungle prenait le dessus sur le ferrobéton. Mais la cité tiendrait le coup un bon moment encore.

— Ici, dit Goure en désignant un couloir, entre deux statues.

Ne percevant aucune menace dans son aura, elle le suivit sans hésiter. Quand ils furent dans le couloir, il appuya sur un bouton, et l’entrée disparut, remplacée par l’image holographique d’un mur.

— Ça n’est pas une véritable barrière, mais ça évitera que les gens nous voient en passant.

— La Sécurité me recherche ?

— Non ! Ça n’a rien à voir avec vous. Nous préférons passer inaperçus, voilà tout.

La pièce, au fond du corridor, contenait deux chaises et une caisse. L’éclairage, une ampoule nue, lui donnait des airs inquiétants, mais Tahiri ne se sentit pas menacée par le Ryn.

— Asseyez-vous.

Il fouilla dans la caisse et en sortit deux tasses métalliques et une bouteille d’eau. Tahiri s’assit sur une chaise, ravie de ce répit. Elle se sentait épuisée comme si elle avait couru pendant des jours.

Il lui tendit une tasse d’eau, qu’elle accepta avec empressement, fermant les yeux de plaisir en buvant.

— Qu’est-il arrivé à vos bras ? demanda Goure.

— Rien… (Elle croisa les bras pour cacher les blessures qu’elle s’était infligées sur Mon Calamari.) Quelle heure est-il ?

— Deux heures avant l’aube.

Etonnée, Tahiri comprit mieux son état de fatigue.

— Qu’ai-je fait, pendant tout ce temps ?

— Vous n’avez attaqué personne, si c’est ce qui vous inquiète.

— Vous avez entendu dire que je m’étais perdue. Comment ?

— J’ai de nombreuses sources d’information. Je suis un Ryn. Au mieux, les gens nous ignorent. Nous faisons les petits boulots dont personne ne veut. Ça me donne accès à des endroits et à des informations dont la plupart des gens ne soupçonnent pas l’existence. J’écoute les rumeurs, je scanne les fréquences sécurisées, je fais les poubelles… (La grimace de Tahiri fit sourire le Ryn.) Je sais. Ce n’est pas très reluisant, mais j’obtiens des résultats. Bref, votre nom a été mentionné dans un rapport de la Sécurité, qui vous surveillait de près. J’ai pensé qu’il valait mieux que je vous intercepte avant que les agents le fassent… Je n’ai pas eu de mal à vous localiser.

Si des gardes avaient tenté de la coincer quand elle était dans cet état bizarre, elle aurait pu décharger son agressivité et son chagrin sur eux…

Tahiri frémit.

Mais selon Goure, elle ne s’en était prise à personne. Une chance.

— Yan et Leia ? Sont-ils au courant ?

— Ils ont d’autres soucis, je le crains. Un mandat d’arrêt a été lancé contre Jaina, peu après minuit.

— Quoi ? Pour quelle raison ?

— Des droïds de sécurité l’ont vue aider Malinza Thanas à s’évader. Elle est armée et dangereuse. Les gardes ont ordre d’utiliser la force si nécessaire.

La première impulsion de Tahiri fut de voler au secours de son amie. Puis quelque chose la frappa.

Je t’ai appelée Riina…

Tout lui revint : l’expression de Leia, dans la pénombre de la chambre, le pendentif d’argent…

Jaina m’a dit ce que Jag a trouvé…

Dans sa poche, Tahiri tâta le pendentif, à la surface usée par des griffes de Yuuzhan Vong… La Brigade de la Paix l’avait laissé sur Galantos, probablement par accident. Le bijou avait roulé sous un lit, dans l’aile diplomatique. Quelque chose, dans le pendentif, avait attiré Tahiri, éveillant ses instincts. Il y avait anguille sous roche…

Elle cache quelque chose – à elle-même comme aux autres…

Tahiri s’était évanouie. Quand elle avait repris conscience, le pendentif avait disparu. Jag avait dû le trouver et le donner à Jaina, qui avait fait part de ses doutes à sa mère. Et, tout ce temps, le bijou tracassait Tahiri, l’appelant à lui…

Non. Pas Tahiri… Il appelait Riina du domaine Kwaad – le monstre que les Yuuzhan Vong avaient voulu faire d’elle.

La personnalité de Riina est encore en toi…

Une vague d’obscurité monta en elle, menaçant encore de l’engloutir.

Elle repoussa la personnalité qui essayait de prendre le dessus.

Je ne suis pas Riina mais Tahiri Veila ! Une Jedi !

Malgré sa détermination, sa voix mentale lui parut faible.

L’obscurité reflua et elle s’affala sur sa chaise avec un sanglot. Qu’allait-elle faire ? Si elle perdait le nord à la plus petite mention des Yuuzhan Vong, comment espérer participer à la guerre contre cet ennemi ? Et si Riina prenait entièrement le dessus ? Qu’arriverait-il, à elle et à son entourage ?

— Tahiri ?

Malgré la douceur de la voix de son compagnon, Tahiri sursauta, si soulagée d’entendre son vrai nom qu’elle éclata en sanglots.

— Tahiri, je suis désolé ! Vous allez bien ?

Perdue dans ses pensées, elle avait oublié la présence de Goure qui, accroupi devant elle, faisait intrusion dans ses pensées.

Personne ne pouvait être tenu pour responsable du sort de Tahiri. Ni Jag, ni les parents d’Anakin, ni Jaina. Une seule personne était à blâmer : elle-même. Il lui revenait de prouver une fois pour toutes qu’elle n’était pas Riina.

— Ne vous excusez pas, dit-elle au Ryn. Aidez-moi à sauver mon amie.

Elle essuya ses larmes et força l’obscurité mentale à refluer. Puis elle rangea le pendentif dans la poche intérieure de sa tunique.

— Entendu, répondit le Ryn. D’abord, découvrons si elle a été capturée. Le mandat parlait seulement de Jaina. Yan et Leia doivent être hors du coup pour le moment.

— Je suis prête à tout pour arranger les choses.

— Le mieux est que je vous y aide.

Tahiri avait envie de retourner près de Yan et de Leia, pour réparer les dégâts, mais elle en avait aussi un peu peur.

Elle préférait savoir d’abord où elle en était. Et si elle en apprenait plus sur les intentions des Ryns, ce serait un bon point pour elle. Découvrir qui les aidait, et pourquoi, était important.

— D’accord, dit-elle.

— Très bien, Tahiri Veila. Avant tout, il faut vous trouver un déguisement. Vous ne pourriez pas vous introduire là où nous devons aller sans être remarquée. Je reviendrai vite.

Rester seule ne lui disait rien. Trop de temps pour penser… Et si les gardes la débusquaient ? Si Goure ne revenait pas ?

— Ne craignez rien, Tahiri. Tout ira bien.

— Je n’ai pas envie de rester seule, admit-elle, embarrassée. Je me sens perdue…

— Nous avons un dicton. Dans les endroits les plus noirs, on trouve un peu de lumière. Il suffit d’ouvrir les yeux.

— Et voilà notre dicton : plus l’ombre est épaisse, plus la lumière qui la projette est brillante…

— Très avisé, Tahiri Veila. Mais est-ce un dicton des Jedi ou des Hommes des Sables ?

Elle sourit, se souvenant de Sliven, qui l’avait élevée.

— Des Hommes des Sables… Etes-vous un Ryn ou un Bakurien ?

— Un Ryn. (Goure lui toucha l’épaule.) Je reviendrai vite.

Il traversa l’illusion holographique qui dissimulait l’entrée. Le brouhaha impersonnel de la cité rappela un point important à la fugitive : perdue dans la masse urbaine, peu importait qui elle était…

Faux ! Si elle laissait Riina prendre le dessus, qui se dresserait contre les Yuuzhan Vong ? La galaxie sombrerait dans l’obscurité…

Tahiri s’assit sur le sol de pierre pour attendre le retour de Goure. Déterminée, elle entra dans une transe Jedi. Elle manquait de sommeil, et elle aurait bientôt besoin de toute sa résistance.

Un doute troubla sa concentration. Quoi qu’il arrive, elle ne serait plus jamais la même. Quelque part dans son esprit, Riina serait toujours à l’affût de la moindre faille, avide de prendre le dessus. Elle se poserait toujours la question : Qui suis-je vraiment ?

Comment passerait-elle sa vie à ça ?

Je suis Tahiri Veila ! Chevalier Jedi des Hommes des Sables. Je vaincrai !

Ou je mourrai…

 

L’audience prenait une mauvaise tournure.

— Yu’shaa, votre parole se répand un peu plus chaque jour, mais nous sommes toujours maltraités. On nous bat et on nous tue. Quand redeviendrons-nous libres ?

— Seulement quand les non-Honteux nous accepteront comme leurs égaux, ce que nous sommes aux yeux des dieux. Notre Message – la philosophie des Jeedai – les persuadera. Sinon, nous les forcerons à l’accepter, et à nous accepter ! (Il s’interrompit.) C’est un long et dur chemin, je sais, mais nous devons l’emprunter.

— Si nous faisons le travail de Yun-Yuuzhan, sa volonté sera aussi évidente pour nos ennemis. Ils verront les vérités que les Jeedai apportent !

— On peut montrer mille fois quelque chose à un aveugle, il ne le verra jamais. Ou parler à un sourd… Il en va de même avec nos ennemis. Seuls ceux qui sont ouverts à la vérité l’accepteront. Les autres, qui se raccrocheront à leur philosophie pervertie à base de douleur inutile, seront à leur tour sacrifiés. La rédemption s’offre uniquement à ceux qui en ont la capacité.

L’acolyte parut incertaine, comme si la réponse de Nom Anor la satisfaisait à moitié. Nom Anor la dévisagea. En quoi différait-elle du reste de la congrégation ? Mécontents du status quo, à la surface, de plus en plus de Vong de rangs élevés se présentaient au Prophète. Mais malgré les cicatrices et les bio-implants ratés qui faisaient d’elle une Honteuse, Nom Anor sentait que cette femme se distinguait des autres. Vêtue d’une robe sobre, elle était mince – pas décharnée. Ses yeux brillaient d’intelligence, et elle n’avait pas l’air humble…

— Maître, que se passerait-il si un de nos ennemis remettait en question son éducation ? Une vie entière de mensonges serait difficile à surmonter, surtout si la vérité lui est cachée. Le Message est perverti par vos véritables ennemis, qui vous taxeront d’hérésie pour vous damner. Qu’en est-il de ceux qui voudraient entendre la vérité, mais ne le peuvent pas ? L’ignorance est-elle une excuse aux yeux de Yun-Yuuzhan ?

Nom Anor fronça les sourcils sous son masque ooglith.

— Notre mission consiste à toucher tous les Yuuzhan Vong, sans distinction de caste ni de rang, afin qu’ils aient la possibilité de recevoir la vérité. Nous commençons par les échelons les plus bas, d’accès plus facile. Ce sont aussi les plus nombreux. Chez eux, ce besoin est immense.

— Le besoin de liberté et celui de rédemption sont deux choses différentes, Maître.

— L’un ne va pas sans l’autre.

— Exact. Mais même si vous réunissiez l’ensemble des Honteux, vous auriez toujours contre vous tous les membres des castes supérieures, qui possèdent le pouvoir.

Il vous faudrait des années pour les vaincre. Or, nos ennemis s’apprêtent à écraser votre mouvement.

La congrégation en eut le souffle coupé.

Nom Anor aussi se sentait envahi par une fascination morbide. Cette Honteuse n’était pas une pénitente ordinaire. Son éloquence et la pertinence de ses propos étaient frappantes. Elle avait trop bien réfléchi à la situation, mettant le doigt sur les problèmes contre lesquels Nom Anor se débattait. Elle les avait analysés avec soin. Et comme lui, elle obtenait des réponses partielles.

D’autres pénitents avaient montré un intellect aussi acéré… Kunra et Shoon-mi les avaient pris à part pour leur inculquer l’enseignement de Nom Anor, puis ils les avaient envoyés répandre le Message. Pour l’instant, ils étaient six. Il en faudrait d’autres s’il voulait atteindre tous ceux qui souhaitaient la « rédemption ».

Oui, d’autres comme cette femme…

Pourtant, le doute dans ses yeux…

— On dit que nos ennemis prennent effectivement des contre-mesures, admit-il, pesant ses mots.

Il aurait voulu faire évacuer la salle pour mettre fin aux questions dérangeantes de l’inconnue, mais ç’aurait été un aveu de défaite.

— Nous avons voulu déterminer leur degré de véracité.

— Ces efforts ont échoué.

— Oui.

— Ils ont aussi été remarqués.

Nom Anor foudroya l’acolyte du regard.

— Bien entendu ! Nous ne pouvions rien faire d’autre.

— Il existe toujours des alternatives, maître. Attaquer une forteresse inexpugnable est absurde. Il faut la miner de l’intérieur.

— Plus facile à dire qu’à faire… Comment s’y prendre ?

Comment vous y êtes-vous prise pour que ce soit maintenant moi qui pose les questions ?

— Il faut guetter l’occasion propice, répondit la pénitente. Et l’utiliser à son avantage.

Un lourd silence tomba sur la salle.

Nom Anor comprit.

— Qui êtes-vous ?

— Quelle importance ? Je suis là, et je veux me joindre à vous. Je pense que vous détenez les réponses que les Yuuzhan Vong sont venus chercher dans cette galaxie. Vous, ou les Jeedai… Les dieux ne parlent plus par la bouche de ceux qui prétendent être leurs porte-parole. Et je ne veux plus être l’ennemie de la vérité.

Nom Anor comprit qu’elle était sa sœur en esprit. Mais son visage était aussi faux que le sien. Elle portait un masque ooglith, destiné à la faire ressembler à une Honteuse.

Illusion, tromperie…

Se pourrait-il que ce soit elle ? Celle qui me donnera accès à Shimrra ?

Il n’était pas assez naïf pour espérer qu’elle soit une guerrière ou une intendante de rang élevé. Tous étaient endoctrinés. Mais une simple servante suffirait, quelqu’un ayant accès aux quartiers privés où il ne pouvait plus aller… Avec une espionne au cœur du cercle privé du seigneur suprême, il pourrait miner son ennemi de l’intérieur, comme elle l’avait suggéré, et continuer à recruter des acolytes…

Mais comment se fier à un agent anonyme ? Et si elle avait été envoyée par Shimrra ? Le seigneur suprême serait-il capable d’une telle duplicité ?

Le doute envahit Nom Anor.

— Approchez, ordonna-t-il.

Il sentit le regard de la foule peser sur lui… La manière dont il traiterait l’affaire serait fondamentale pour sa crédibilité.

La pénitente approcha – à distance suffisante pour tuer honorablement, constata Nom Anor.

— Comment être sûr de pouvoir vous faire confiance ? murmura-t-il.

— Vous le pouvez. Les dieux m’ont amenée jusqu’à vous, non ?

— Nous filtrons les espions, pas les illuminés, dit Nom Anor.

Elle sourit.

— Je ne suis ni l’un ni l’autre.

— Peut-être… Mais nous ne sommes pas assez bêtes pour croire que nous arrêterons toutes les taupes. Car elles se présentent sous de nombreuses apparences…

— Vous en savez certainement plus que moi sur la question, Nom Anor, murmura la femme. C’était bien votre spécialité, n’est-ce pas ?

— Comment… ?

— Je vous ai reconnu en dépit de votre masque ooglith. Au début, je n’en ai pas cru mes yeux. Vous étiez mort… En vous écoutant, pourtant, je n’ai plus eu le moindre doute. L’audace et la capacité de surprendre ont toujours été vos traits distinctifs. Quand Shimrra vous a chassé…

— Assez ! tonna Nom Anor.

Il chercha du regard Kunra et Shoon-mi. En cas d’alerte, ils devaient condamner les issues puis massacrer tout le monde… Maintenant que son vrai nom était connu, il ne pouvait plus permettre à quiconque de quitter la salle.

Mais tous les fidèles restaient là, guettant la suite. Ils n’avaient pas entendu le murmure de la pénitente !

— Attendez ! J’ai quelque chose pour vous.

Elle glissa une main sous ses robes.

Nom Anor réagit d’instinct. Etre reconnu était déjà grave. L’idée qu’on puisse brandir une arme contre lui le poussa à agir.

Le sang se rassembla autour du muscle de son orbite gauche. Il sentit une brève douleur quand son plaeryin bol explosa, crachant ses dards empoisonnés au visage de la pénitente.

Elle tomba avec un cri rauque.

L’auditoire hurla. Nom Anor retomba sur son trône. Le plaeryin bol lui avait sauvé la vie, mais le répit serait de courte durée. Il était passé si près de la mort ! D’autres assassins viendraient. Il ne serait plus jamais en sécurité.

Il se força à se lever. Kunra et Shoon-mi contenaient la foule, attendant ses ordres. Aux pieds de Nom Anor, la pénitente se convulsait à cause du poison paralysant. Il se pencha et appuya sur les points de libération du masque ooglith, de chaque côté du nez. Quel tueur Shimrra lui avait-il envoyé ?

Le masque ooglith se rétracta avec un bruit de succion obscène. Le visage qu’il révéla n’était pas celui d’une servante ou d’une guerrière !

Il s’agissait de Ngaaluh, une prêtresse de la secte de la tromperie…

Nom Anor la connaissait, parce que la secte avait jadis voulu infiltrer les rangs des infidèles. Et il avait vu Ngaaluh en compagnie d’Harrar, un prêtre en faveur à la cour de Shimrra.

— Vous ? Pourquoi vous ?

— Je…, haleta Ngaaluh.

Les poches bleues étaient presque devenues invisibles tant la peur dilatait ses pupilles. Le poison courait dans ses veines. Elle avait du mal à respirer. Bientôt, son cœur s’arrêterait et tout serait fini.

Elle tendit un bras… Nom Anor recula.

Quelque chose tomba de la main à trois doigts de la prêtresse. Pas une arme, comme il l’avait craint, mais un unrik vivant – un morceau de chair arraché au corps de Ngaaluh comme offrande à ses dieux… Gardé vivant par la biotechnologie, c’était le symbole de la servitude de Ngaaluh – et elle l’offrait à Nom Anor !

— Imbécile !

Il existait un antidote au poison du plaeryin bol, mais Nom Anor n’aurait jamais cru l’utiliser. Concentré, il activa le bio-implant. La jointure de son pouce se raidit brusquement, parcourue par une douleur intense. Une aiguille microscopique jaillit de la base de sa griffe, qu’il plongea dans une veine du cou de Ngaaluh. La douleur qu’il éprouva, quand le contrepoison se répandit dans le système sanguin de la victime, fut intense.

La prêtresse hurla, puis retomba, inerte. Craignant le pire, Nom Anor se pencha sur elle.

— Yu’shaa…

Elle ferma les yeux. Il posa la main sur la veine de son cou, là où il avait injecté l’antidote. Malgré les apparences, Ngaaluh vivait toujours.

Il releva la tête. Les témoins de la scène semblaient inquiets et intrigués. Qu’avaient-ils compris ? Il doutait qu’ils aient saisi la gravité des faits. Les dieux avaient apporté à Nom Anor la réponse qu’il cherchait – sous la forme d’une prêtresse –, et il l’avait presque tuée !

L’unrik avait roulé près de la prêtresse. Nom Anor le ramassa. Tiède et puisant au contact… Ngaaluh avait dû le voler au grand prêtre pour l’offrir aux nouveaux dieux. Il ignorait comment elle en était venue à croire en eux. Mais cette occasion-là était trop belle pour qu’il la laisse passer.

Il fit signe à Shoon-mi d’approcher.

— Maître, tout va bien ?

— Cette acolyte doit recevoir les meilleurs soins, ordonna-t-il.

Vu leurs faibles moyens, ce n’était pas grand-chose, mais ce serait mieux que rien.

— Elle compte beaucoup, Shoon-mi. Tu comprends ? Rien de mal ne doit lui arriver !

Shoon-mi s’inclina.

— Il en sera ainsi, maître.

Il s’éloigna en quête d’une civière.

Nom Anor appela Kunra, qui s’agenouilla à côté de lui pour que leur conversation ne porte pas.

— Qu’est-il arrivé ? Qui est cette femme ?

— Une prêtresse, proche de Shimrra… Je la connaissais, avant ma chute. Elle m’a appelé par mon nom, Kunra.

Mais je la crois digne de confiance. Elle m’a donné des gages de sa crédibilité.

Il montra l’unrik.

— Peut-être est-ce la réponse à nos prières, admit Kunra.

— Exactement. Mais d’abord, assurons-nous que personne ne l’a entendue.

— Dois-je prendre des… mesures ? demanda l’ancien guerrier.

— Non.

Kunra n’aurait pas hésité à exterminer les pénitents au nom de la sécurité, mais ce n’était pas une bonne solution. Ngaaluh se demanderait ce qui leur était arrivé, et Shoon-mi aussi.

— Pas question de gaspiller nos ressources, ou de donner naissance à des rumeurs. Voyons si mon secret n’a pas été dévoilé, puis laissons-les partir. Ça jouera peut-être en notre faveur.

— Ça alimentera la légende, répondit Kunra. Je m’en occupe.

Nom Anor se releva.

— Une journée favorable… J’ai survécu à une attaque qui m’a rendu plus fort. Allez, et répandez la nouvelle ! Il faudra plus que ça pour nous empêcher d’obtenir le respect qui nous est dû !

Troublée, la foule accepta les paroles de Nom Anor. Quand Kunra aurait vérifié que rien n’avait filtré, tous pourraient sortir.

— Le moment approche, ajouta-t-il. Avec les événements de ce jour, il arrivera peut-être plus tôt que je ne l’espérais…

 

— Je vais fondre si la chaleur augmente encore ! grogna Tahiri en s’épongeant le front.

— Réglez le thermostat de ventilation, répondit Goure d’une voix étouffée par la combinaison environnementale qu’il portait aussi.

Cet exosquelette, destiné à la survie dans les environnements hostiles, faisait un mètre de plus que lui et lui permettait d’accomplir des tâches impossibles sinon. Identique à la sienne, la combinaison marron de Tahiri portait des numéros d’identification sur la poitrine et le dos.

La jeune femme regardait le monde à travers une série de détecteurs et d’écrans. Elle avait l’impression d’avoir revêtu une antique armure.

— J’ai déjà baissé la température au minimum.

Goure n’avait pas voulu prendre le risque de communiquer par comlink, de peur qu’ils ne soient repérés. Les combinaisons avaient des micros et des haut-parleurs externes qui fonctionnaient bien – contrairement à leurs systèmes de refroidissement.

Elle sentit un clic, à l’arrière de son unité. Une bouffée d’air glacé se répandant dans sa combinaison, Tahiri soupira de soulagement.

— Votre alimentation de réfrigérant était bouchée, dit Arrizza, l’éboueur qui les accompagnait dans leur voyage par turboascenseur.

Goure l’avait présenté comme un « conspirateur à mi-temps » n’appartenant pas au réseau des Ryns. A tout hasard, il avait étudié le complexe du Sénat de Bakura… Jusque-là, il n’avait pas éprouvé la nécessité d’utiliser ses connaissances, mais il aiderait volontiers Goure à introduire discrètement Tahiri dans les lieux.

— Vous m’avez sauvé la vie !

La jeune Jedi plaisantait à moitié.

— Quelqu’un est réellement mort de chaleur pendant le travail. Mieux vaut s’entraider, ici.

— Merci, dit Tahiri. Je m’en souviendrai !

Le turboascenseur s’arrêta avec un grand bruit métallique. La porte s’ouvrit. Arrizza sortit le premier. Si sa combinaison était encore plus minable que celle de Goure, plusieurs petits sacs pendaient à sa ceinture – des outils, supposa Tahiri. Comment les gants grossiers de la combinaison pourraient manipuler de tels instruments de précision ?

Ils remontèrent en file indienne le couloir d’accès du sous-sol, prévu pour accueillir différentes machines de maintenance. Mais pas des droïds, se souvint Tahiri, puisque les Bakuriens les détestaient… Et si les droïds n’étaient pas là pour les sales boulots, il fallait que des gens s’en chargent – d’où leurs combinaisons de travail.

Arrizza les entraîna vers un autre turboascenseur, qui s’enfonçait sous les grandes salles du Sénat. De là, ils entreraient dans le complexe en évitant les procédures de sécurité des entrées principales. Faisant apparemment partie des équipes d’entretien matinales, ils se déplaceraient incognito dans les niveaux inférieurs du complexe. Ils n’accéderaient peut-être pas aux salles du Sénat, mais aux réseaux de données, oui.

— Savez-vous ce qui se passe, Goure ? demanda Tahiri.

— Non. Après l’enlèvement de Cundertol, la sécurité a été renforcée. J’ignore qui l’avait commandité, mais ce n’était certainement pas Malinza Thanas. Ce n’est pas son style.

— Vous vous déplacez toujours dans ces combinaisons ? Il doit y avoir des moyens plus faciles…

— Les événements récents m’ont coupé de mes sources habituelles. Surtout avec l’arrivée du Keeramak et la cérémonie d’aujourd’hui… Les combinaisons sont rudimentaires, mais pour le moment, je n’ai rien d’autre. J’espère que ça ne conduira pas à mon arrestation…

— Qu’arriverait-il si vous étiez découvert ? Seriez-vous remplacé ?

— Dès que ça se saurait, un de mes congénères prendrait ma place.

— Comment vos amis seraient-ils avertis ? Avec la coupure des communications, je ne vois pas comment…

— En prenant notre poste, notre premier réflexe est de prévoir ce type d’urgence. Les membres de ma famille qui n’utilisent pas la Force se défient des modes traditionnels de communication. Nous allons là où nous ne sommes pas censés nous aventurer parce qu’on nous ignore – pas grâce à une technologie avancée ou à des pouvoirs mystérieux… qui éveillent toujours l’intérêt. Qui remarquera une note glissée avec un manifeste d’expédition ? Un mot murmuré par un docker à un droïd ? Ou un récit de taverne ? Même pendant un embargo des communications, Bakura accueille beaucoup de vaisseaux-cargos et de commerçants. Tout le monde a besoin de répulseurs… Je recours aux techniques les plus simples pour transmettre mes messages, grâce à ces voyageurs. Ce n’est pas toujours rapide, mais ça marche.

— Vous seriez une sorte de… cancanier… professionnel pan-galactique ?

— Dans votre bouche, on dirait un truc obscène ! En fait, c’est très efficace. Si un de mes messages n’atteint pas sa destination au jour convenu, un autre sera envoyé au Ryn suivant, qui demandera un remplacement.

— Il le demandera à qui ? fit Tahiri, incapable de contrôler sa curiosité.

Le réseau des Ryns était passé inaperçu jusqu’à Galantos, mais son influence semblait aussi insidieuse que celle de la Brigade de la Paix.

Goure rit doucement.

— Je ne peux pas en dire plus, Tahiri. Notre organisation est secrète… Puisque vous connaissez déjà notre existence, sachez que les Ryns n’ont pas de système hiérarchique strict, comme les Jedi. Mais notre chef reçoit toutes les informations et prend les décisions importantes.

— Il a un nom ?

— Bien entendu. Mais vous le révéler compromettrait sa sécurité. D’ailleurs, j’ignore moi-même sa véritable identité. Mais quelqu’un a fondé notre réseau, nous a formés à notre travail d’infiltration, puis nous a envoyés à nos postes… Un jour, notre mystérieux chef entrera dans la légende – si ce n’est pas déjà le cas !

Goure s’arrêta devant un deuxième turboascenseur. La porte s’ouvrit, ils entrèrent et la cabine démarra cahin-caha.

— Comment un être anonyme pourrait-il entrer dans la légende ? demanda Tahiri.

Goure lâcha un rire grinçant.

— Vous êtes tellement pragmatique…

Arrizza leur fit signe de se taire.

— Nous y sommes presque. Souvenez-vous de nos accords.

Tahiri acquiesça. A partir de là, ils s’appelleraient Yon, Gaitzi et Scod, des membres du service d’entretien surnommé le « Trépied ».

Le couloir, copie conforme du précédent, se terminait quelques mètres plus loin sur des portes anti-explosion. Tahiri suivit Arrizza, soucieuse d’imiter sa démarche pesante pour donner l’impression qu’elle était aussi à l’aise dans la lourde combinaison que dans des vêtements ordinaires…

— Identification ! beugla une voix, derrière la porte.

— Equipe Trépied, répondit Arrizza d’un ton morne. (Après quelques secondes, il ajouta :) Allons, Shifil, dépêche-toi… Laisse-nous entrer. Nous n’avons pas toute la vie devant nous.

— Et un boulot tellement important à faire ! railla la voix.

La porte s’ouvrit avec un sifflement.

— Le Compacteur J est engorgé. Il est tout à toi, Yon. Tu as dû être un vilain garçon, hier soir…

Arrizza grogna. Deux gardes installés dans une cabine les regardèrent passer en ricanant. Les combinaisons environnementales auraient pu les écraser comme des insectes, mais la force brute n’était rien à côté d’un statut social supérieur…

— Tu me souffles un petit baiser, Gaitzi ? lança un garde avec une moue cocasse.

Son collègue éclata de rire.

Tahiri ne comprit pas tout de suite que le type s’adressait à elle. Elle obtempéra en hâtant le pas.

— Délicieux…, marmonna Goure quand ils se furent éloignés du poste de garde. C’est fou comme les mâles de la plupart des espèces s’abêtissent dès qu’on leur donne un fusil et un uniforme…

— Je suppose que les Ryns sont au-dessus de ça ? fit Tahiri.

— Naturellement ! répliqua Goure, indigné. C’est pour ça que nous travaillons en secret, sans titres ni privilèges spéciaux. Nous combattons le type de méthodes employées par la Brigade de la Paix ou des groupes similaires. On murmure que notre fondateur fut inspiré par le réseau de soutien mis en place par maître Skywalker pour protéger les Jedi.

— C’est pour ça que les Ryns nous ont secourus sur Galantos ?

— Ces nouvelles ne m’ont pas encore atteint. Mais si la Brigade de la Paix y était, il est logique que nous ayons fait notre possible contre elle. Nous opposer directement aux Yuuzhan Vong est exclu, mais nous visons ceux qui veulent corrompre l’Alliance Galactique de l’intérieur.

— Une deuxième ligne de défense, suggéra Tahiri.

— Nous aimons à penser que c’est la première ! Inutile de vaincre les Yuuzhan Vong si nous nous infligeons une défaite à nous-mêmes…

Aussi sibylline que cette affirmation paraisse, elle reflétait les incertitudes philosophiques de Jacen sur les conséquences de la victoire acquise par la violence seule…

Et ça touchait aussi de près aux problèmes personnels de Tahiri.

— Nous ne serons pas vraiment obligés de déboucher ce compacteur ? demanda-t-elle, histoire de changer de sujet.

— Non, répondit Arrizza. Faites vite. Je me charge du reste.

— En cas de problème, on nous avertira avec des signaux, ajouta Goure.

— Au cas où quelqu’un vous embêterait…, précisa le Kurtzen. Si vous vous séparez, dites à la Sécurité que vos localisateurs sont en panne et que vous cherchez le secteur C. Je vous y rejoindrai.

Ils partirent dans deux directions : Arrizza à droite, pour s’occuper des travaux de nettoyage, et Tahiri et Goure à gauche, en mission de reconnaissance. Dès cet instant, le risque augmentait. Tahiri ignorait à quelle surveillance les équipes d’entretien étaient soumises. Elle espérait seulement avoir le temps de mener son entreprise à bien.

Goure lui lit parcourir un long chemin dans les sous-sols.

— Les bâtiments du Sénat sont plus complexes qu’il y paraît, commenta-t-elle en longeant un entrepôt de vivres.

— Au lendemain de la guerre contre les Ssi-ruuk, ces édifices ont été redessinés pour servir d’abris, expliqua Goure. Les Sénateurs et une bonne partie de la population de Salis D’aar pourraient survivre longtemps dans ces sous-sols. A condition que les défenses de surface tiennent.

— Et dans le cas contraire ?

— L’armurerie peut équiper une petite armée. Croyez-moi, ils ne tomberaient pas sans combattre !

Vu les horreurs de la technition, Tahiri comprenait sans mal que le Sénat eût pris des mesures pour les éviter. Quoi d’étonnant à ce qu’on se méfie des P’w’ecks, même s’ils étaient aussi d’anciens esclaves ?

Alors, pourquoi ont-ils soudain retourné leur veste ?

Selon Leia, Cundertol n’appréciait guère les autres espèces, du temps où il travaillait pour la Nouvelle République… Pourquoi avait-il changé ?

— S’il y a de la nourriture et des armes, reprit Tahiri, il doit aussi y avoir un centre de commandement.

— Exact. C’est notre destination.

Ils firent un détour pour prendre une machine à polir les sols antigravs, puis empruntèrent un ascenseur. Les sous-sols étaient vides. Il y avait pourtant des caméras de sécurité un peu partout. Il suffirait que quelqu’un ait des soupçons…

Les portes du centre de commandement désaffecté s’ouvrirent en silence. Tahiri et Goure entrèrent avec assurance, jouant les blasés. La salle pouvait accueillir cinquante personnes. En temps de guerre, une estrade circulaire était probablement réservée au Premier ministre et à son équipe.

Poussiéreuse, la salle semblait néanmoins en bon état de fonctionnement.

Elle risque encore de servir, pensa Tahiri, cynique, si les intentions du Keeramak ne sont pas ce qu’elles paraissent…

Goure s’arrêta au centre et activa la polisseuse.

— Faites semblant de travailler, Tahiri. Pendant ce temps, je chercherai Jaina. Branchez vos moniteurs sur la fréquence dix-sept pour suivre ma progression.

— On ne risque pas de découvrir votre intrusion dans l’ordinateur ?

— Pas si je me débrouille bien. (Il sourit.) Et je suis très doué ! Mais il n’y a plus une minute à perdre… Nous n’aurons peut-être pas d’autre occasion.

Tahiri obéit, observant le Ryn sur l’écran de visualisation de sa combinaison. Au début, elle vit défiler des codes de programmation. Puis Goure accéda aux archives administratives, aux arrestations et aux libérations…

Il n’y avait rien sur Jaina.

Après vingt minutes de travail acharné, il s’infiltra au cœur de la bureaucratie bakurienne, là où, d’après lui, étaient conservés les véritables secrets. Les Ryns avaient une réputation de pirates informatiques doués, et Bakura, un monde reculé, ne possédait pas de logiciels très sophistiqués dédiés à la protection des données. Mais avoir percé les défenses du système en moins d’une heure et demie était quand même remarquable.

— Intéressant…, marmonna soudain Goure.

— Vous avez quelque chose ?

— Pas sur Jaina. Mais j’ai accédé à des holocams cachées dans des pièces où elles ne sont pas supposées l’être…

Son écran montra un lit rond entouré de draperies.

— Quelqu’un s’intéresse aux petits secrets privés des gens, dit Tahiri.

— Pas forcément. Il peut s’agir d’un officier de la Sécurité trop zélé. On voit ça partout…

Il examina une batterie d’autres caméras cachées. De qualité variable, elles montraient des pièces vides ou des sénateurs en pleins préparatifs.

Rien de passionnant…

Soudain, quelque chose retint l’attention de Tahiri.

— Un moment ! Revenez en arrière !

Goure syntonisa un plan de Yan et de Leia dans un bureau, assis devant le Premier ministre Cundertol… Leia s’était composé une mine diplomatique, mais Yan avait l’air furieux.

Tahiri allait demander si on pouvait passer sur audio, mais Goure la devança.

— … comprend votre inquiétude, dit Cundertol, mais il n’a rien que je puisse faire pour l’instant. Il semble qu’elle ait été complice de l’évasion d’une dangereuse criminelle.

Yan se hérissa.

— Si elle a aidé Malinza à fuir, elle avait de bonnes raisons.

— Peut-être, capitaine Solo, mais elle a quand même violé la loi. Si votre fille croyait en l’innocence de Malinza, elle aurait dû recourir aux voies légales. Dans le cas présent, j’ai les mains liées : Jaina est coupable.

— D’avoir aidé une innocente à fuir ? le défia Yan.

— Malinza Thanas n’est pas innocente, insista Cundertol. Avec sa bande de rebelles, elle a compromis la paix. Il était temps qu’on se débarrasse d’elle !

— Mais vous la pensiez innocente ! protesta Yan, incrédule.

Cundertol eut l’air sidéré.

— Qu’est-ce qui vous a fait croire ça ?

Leia intervint pour éviter une explosion typiquement corellienne.

— Monsieur le Premier ministre, je pense que Jaina a été victime d’une machination. Quelqu’un nous a anonymement contactés, affirmant détenir des informations sensibles. En conséquence, Jaina a rendu visite à Malinza en prison, dans le seul but d’entendre sa version des faits, pas de l’aider à s’échapper. Si elle a été impliquée dans cette évasion, c’est certainement sous la contrainte.

— Alors, pourquoi ne vient-elle pas s’en expliquer ? demanda Cundertol. Sur la bande enregistrée de surveillance, elle guide Thanas hors du pénitencier… Personne ne l’y force !

— Alors, quelqu’un l’y aura incitée par la ruse, insista Leia.

— Pourquoi ?

— Si nous le savions, explosa Yan, nous ne perdrions pas notre temps avec vous ! Nous réglerions le problème nous-mêmes !

Leia posa une main apaisante sur l’épaule de son époux.

— Nous ne vous critiquons pas. Mais nous sommes inquiets pour notre fille.

— Et l’autre jeune Jedi ? Est-elle revenue ?

— Non, répondit Leia. Et je commence aussi à m’inquiéter pour elle.

— Donc, nous avons deux Chevaliers Jedi lâchés dans Salis D’aar, sans surveillance… Désolé, mais c’est fâcheux ! La veille du jour où Bakura doit cimenter la paix avec un vieil ennemi, l’Alliance Galactique vient tout bouleverser ! A croire que vous souhaitez que nous coupions tout lien avec la galaxie… Ou vous attendez quelque chose de nous, et vous craignez un refus…

— Vous ne pensez pas ce que vous dites, Premier ministre, fit Leia sans se démonter. Vous nous connaissez. Nous œuvrons en faveur de la paix.

— Ce ne sont que des mots, princesse ! Rien ne me le prouve…

Un bourdonnement aigu retentit. Cundertol se leva, l’air agité.

— Désolé, j’ai un autre rendez-vous. Soyez assuré que je ferai mon possible pour retrouver ces jeunes Jedi, ainsi que Malinza Thanas. J’espère vous revoir à la cérémonie de consécration qui aura bientôt lieu. Vous y serez les bienvenus, en dépit de ces fâcheux événements. Princesse Leia, capitaine Solo, vous êtes toujours nos invités.

Leia dut presque tirer Yan hors du bureau. Ils étaient tous deux mécontents de leur entretien avec le Premier ministre, mais ils ne pouvaient rien de plus pour le moment.

Cundertol se rassit et resta immobile un moment.

— Leia a parlé de vous, dit Tahiri. Vous nous avez contactés, et vous avez envoyé Jaina voir Malinza… Elle vous croit sans doute impliqué dans les problèmes de Jaina.

— Raison de plus de découvrir ce qui lui est arrivé, répondit Goure. Voyons si nous pouvons…

— Regardez !

La porte du bureau se rouvrit. Vêtus de harnais en cuir sophistiqués, quatre gardes p’w’ecks aux écailles ternes entrèrent, suivis par Lwothin et… une créature à la démarche gracieuse et à l’élégance consommée.

Le Keeramak ! pensa Tahiri.

Elle admira les écailles multicolores au dessin complexe du dirigeant. Chaque mouvement les faisait scintiller de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Les Ssi-ruuk étaient des chasseurs dominateurs et arrogants. Le Keera-mak, plus fier que les P’w’ecks, avait des membres plus fins, des muscles longilignes, et ses yeux pétillaient d’intelligence.

Il dévisagea Cundertol.

Le Premier ministre se leva et s’inclina.

Le Keeramak fit une déclaration en ssi-ruuvi. Tahiri attendit la traduction… qui ne vint pas. Cundertol devait avoir un écouteur dans l’oreille. Dommage…

Cundertol ouvrit la bouche…

… Et répondit en ssi-ruuvi, une langue qu’aucun gosier humain n’aurait pu articuler !

— C’est impossible ! souffla Tahiri, sidérée.

Interrompu par une exclamation du Keeramak, Cundertol protesta. D’un geste péremptoire, son visiteur le fit taire.

Morose, il se rassit et croisa les bras.

Quand il reprit la parole, le Keeramak lâcha un grognement – peut-être un rire ssi-ruuvi… Lwothin essaya de se mêler à la conversation, mais le Keeramak le repoussa. Cundertol sourit.

— Je n’aime pas ça, commenta Tahiri.

— Moi non plus, reconnut Goure. Si je pouvais enregistrer la scène, ou la dériver vers un traducteur automatique… Hélas, c’est impossible sans alerter la sécurité !

— L’alerter ne serait peut-être un mal ! Quelqu’un doit apprendre ce qui se passe !

L’entretien achevé, le Premier ministre se leva de nouveau et s’inclina. Puis Lwothin et le chef ssi-ruuvi quittèrent le bureau, suivis par leurs gardes.

Cundertol se rassit, l’air soulagé.

— Je me demande ce que ça signifie…, dit Goure. Vous avez raison : il faut que ça se sache !

— Comment faire ? gémit Tahiri. Qui nous croira si nous prétendons que le Premier ministre est un hybride humain-ssi-ruu ?

— Quelqu’un, peut-être…, fit Goure, pensif.

— Qui ?

— Ce genre de secret mettrait un terme définitif à la carrière de Cundertol, quelles que soient ses intentions… A votre avis, qui aurait le plus à y gagner ?

— Le Premier ministre adjoint, répondit Tahiri.

— Exactement. Il aurait des raisons et les moyens d’agir vite. Si nous pouvions le contacter…

— … Avant la cérémonie ! termina Tahiri. Si le Keeramak entend trahir Bakura, nous devons à tout prix intervenir ! Si tout ce qui les retient d’attaquer est la peur de souiller leurs âmes, après la consécration, plus rien ne les en empêchera…

— Oui. Le temps presse. Voyons où est Harris…

Avant qu’il puisse localiser le Premier ministre adjoint, une voix retentit dans le centre de commande.

— Equipe de nettoyage, sur l’ordre de qui êtes-vous ici ?

Goura activa un comlink extérieur.

— Le surveillant Jakaitis, monsieur.

La réponse ne se fit pas attendre.

— Jakaitis affirme ne pas vous avoir envoyés. Votre présence n’est pas autorisée.

— Je suis sûr que si vous lui redemandiez…

— Vous violez les paragraphes Quatre à Seize des consignes de sécurité. Une escouade va venir pour vous conduire en détention.

La voix se tut.

Tahiri jura à voix basse. Maintenant que la Sécurité les avait repérés, ils étaient sûrement sur écoute. Goure posa son casque contre celui de la Jedi pour qu’ils puissent parler sans être entendus.

— Le plan est fichu, dit-il.

— Il faut sortir d’ici !

Tahiri ne capta pas de présence dans la Force, mais l’escouade de sécurité se composait peut-être de droïds.

— Ne vous en faites pas. Suivez-moi, et imitez-moi.

— Et Harris ?

— Je l’ai localisé. Reste seulement à le rejoindre.

— Arrizza ?

— Il peut se débrouiller. Venez !

Le Ryn fonça vers la sortie. Les combinaisons n’étaient pas prévues pour la course, mais au besoin, elles avaient des capacités d’accélération. Sous son poids, Tahiri sentit le sol vibrer.

Ils revinrent au premier ascenseur. Se sachant surveillé, Goure n’y entra pas, mais entraîna Tahiri dans un escalier en colimaçon. Ils gravirent dix étages sans être arrêtés. Puis des sphères noires bruyantes et clignotantes arrivèrent au-dessus d’eux.

— Des droïds de la Sécurité ! cria Goure.

Tahiri leva la tête. Il y en avait deux. D’autres suivraient.

— Vous êtes en état d’arrestation ! annoncèrent-ils. Lâchez vos armes !

Rêve toujours ! pensa Tahiri.

Elle ouvrit le compartiment externe de sa combinaison où elle avait caché son sabre laser au milieu de divers outils. Dans le gant de sa combinaison, il paraissait tout petit, mais sa présence la rassura.

— Non ! cria Goure. Si vous l’activez, ils sauront qui vous êtes.

Pour ce que ça changera…

S’ils ignoraient qui elle était, ils le sauraient dès son arrestation. Mais son instinct la poussa à écouter Goure. Il semblait savoir ce qu’il faisait. Et il pensait qu’ils pouvaient encore s’en tirer.

D’ailleurs, il y avait des moyens de se battre sans un sabre laser…

D’une poussée psychokinétique, Tahiri expédia un des droïds contre le mur. Le second recula d’un mètre, son appendice armé dressé.

Tahiri fit sauter ses circuits de répulsion en provoquant une surcharge d’énergie.

— Bon travail, approuva Goure en bousillant une caméra de surveillance. Par là !

Ils quittèrent l’escalier treize étages au-dessus du centre de commande secret. Le couloir n’était pas prévu pour des combinaisons comme les leurs. Tahiri se baissa, mais Goure continua sans se soucier des dégâts qu’il provoquait. Quand ils croisaient une caméra de surveillance, il l’écrasait sans ralentir.

— J’en déduis que vous savez où nous allons ? lança Tahiri.

— Si je me souviens bien, il y a un puits d’entretien non loin d’ici…

Devant eux se dressait une colonne cylindrique de deux mètres de large… Goure se servit de sa combinaison pour en arracher un morceau. La colonne qui abritait des fils électriques et des tuyaux desservait plusieurs étages.

Goure fouilla l’amas de câbles.

— Dépêchez-vous ! marmonna Tahiri.

Plongé jusqu’aux coudes dans les câbles, Goure trouva ce qu’il cherchait et tira de toute la force de sa combinaison. L’étage entier fut privé de lumière.

Passant sur infrarouge, Tahiri vit son compagnon se diriger vers un puits de ventilation et l’ouvrir.

— Le temps presse ! Ça ne les retardera guère…

Il y eut un sifflement aigu, et sa combinaison s’ouvrit dans le dos. Sa tête en sortit, puis ses bras. Tahiri l’aida, le manipulant sans mal grâce à la force de sa combinaison.

— Asservissez votre combinaison à la mienne avant d’en sortir, dit-il.

Elle obéit, appuya sur le bouton Ouverture rapide, puis inspira à fond, ravie de se gorger d’air frais.

— Et ensuite ? demanda-t-elle en récupérant son sabre laser dans le poing inerte de la combinaison.

Goure désigna le puits.

— Nous grimpons. Mais d’abord…

Il appuya sur un bouton de sa combinaison. Toutes les deux partirent dans le couloir, semant la destruction dans leur sillage.

— Je les ai programmées pour aller le plus loin possible. Si elles atteignent l’escalier, ça pourrait devenir amusant… En tout cas, elles nous feront gagner une minute ou deux.

Il aida Tahiri à grimper dans le puits, puis le referma derrière eux.

— Il doit y avoir un conduit central d’aération, non loin d’ici. Dès que nous le localiserons, nous irons vers le haut. Si nous atteignons la surface, nous serons libres.

— Espérons-le, dit Tahiri. Et le Premier ministre adjoint ?

— S’il ne se déplace pas trop, nous le trouverons. Mais il nous reste une heure avant le début de la cérémonie, et dix-sept étages à gravir…

— Allons-y !

Un crépitement de tirs de blasters parvint à leurs oreilles.

Ils commencèrent à grimper dans les ténèbres rougeâtres.

 

— Comment ça, vous préférez laisser votre sœur se charger des combats ? fit Wyn Antilles, dévisageant Jacen comme s’il était fou.

Avec ses cheveux blonds tirés en arrière et son costume noir, elle ressemblait à une écolière prétendant jouer les Grands Moffs.

— Là d’où je viens, aucune règle n’interdit aux femmes de se battre. Je ne pensais pas que vous en aviez…

— Et nous n’en avons pas. Ce serait stupide, n’est-ce pas, Irolia ?

L’officier chiss fit un signe de tête. Assise à l’autre bout de la table, elle regardait Jacen saisir des données dans son databloc. Wyn avait rejoint Jacen et Danni, pendant que les autres membres du groupe bavardaient avec les parents de la jeune fille. Au début, rencontrer Jacen et parler avec lui de Zonama Sekot l’avait enthousiasmée. Quand leur conversation s’était tarie, elle avait trouvé amusant de se mesurer à lui, comme si elle voulait voir jusqu’où on pouvait pousser un Jedi avant qu’il ne craque…

— A mon avis, il faut se battre quand on y est obligé. Les préférences n’ont rien à y voir. L’ennemi ne s’arrêtera pas pour vous faire plaisir. Ou on se bat, ou on périt !

De dures paroles, pensa Jacen, dans la bouche d’une si jeune fille

Mais quoi d’étonnant, connaissant sa famille et sa culture ?

— J’aurais dû dire que je préfère les situations où le combat n’était pas une nécessité absolue... reconnut Jacen.

Il souhaitait lever toute ambiguïté, mais la fatigue brouillait son raisonnement.

— La violence ne peut pas résoudre tous les conflits, Wyn. Parfois, elles les aggravent. La Force a besoin de tous les aspects de la vie pour être équilibrée, mais ça n’interdit pas de chercher des solutions pacifiques. Même quand la violence semble être la seule option – ou, en tout cas, la plus simple.

A son grand soulagement, Wyn accepta cette logique.

— D’accord. Je comprends ce que vous voulez dire. Mais qu’en est-il de votre sœur ? Que pense-t-elle de votre façon de la laisser risquer sa vie en prenant la solution de « facilité » ?

— Il ne s’agit pas de la laisser faire quoi que ce soit. Elle est plus douée pour suivre ce chemin, si le besoin s’en fait sentir. Alors que je passe la moitié de mon temps à philosopher, elle agit. A mon avis, il s’agit du même problème, mais nous le traitons sous des angles différents.

— Pourtant, vous avez un sabre laser, remarqua Wyn.

— C’est le symbole des Jedi. Comme l’insigne, sur l’uniforme d’Irolia.

— Cette arme est quand même déplacée, pour quelqu’un qui déclare détester la violence.

Comment répondre à ça ? se demanda Jacen. Si j’affirme que je ne déteste pas la violence, ça annule tout ce que je viens de dire. Si je confirme que je la déteste, je me rends ridicule…

— Nous nous éloignons du sujet, intervint Danni en s’étirant. Nous cherchions Zonama Sekot, si vous vous souvenez ?

Jacen soupira. L’épuisante séance avait donné des résultats insatisfaisants… Soixante témoignages de l’apparition de la planète, sur une période de quarante ans, allant de la création de l’Empire à quelques années après… Où que Zonama Sekot se soit installée, elle semblait l’avoir fait vingt bonnes années avant l’arrivée des Yuuzhan Vong.

— Vous disiez que vous cherchiez sans doute au mauvais endroit, rappela Wyn.

Danni soupira.

— Nous consultons surtout les archives sociologiques. Des données astronomiques seraient plus utiles. Avec les systèmes qui ont accueilli une nouvelle planète dans les zones habitables…

— Mais il y a des centaines de milliers d’étoiles dans l’espace chiss, souligna Wyn. Et autant de mondes isolés dérivent dans l’espace interstellaire… Des planètes errantes doivent être repérées et reperdues sans arrêt.

— En réalité, non. Même si la capture d’une planète peut survenir, c’est un événement très rare – plus encore au milieu d’une zone habitable. Ces systèmes ont en grande partie été visités par des droïds-sondes, ou leur configuration fut enregistrée par les détecteurs interférométriques des systèmes voisins. Au cours de ces soixante dernières années, les Chiss ont vérifié chaque système concerné au moins deux fois. Toute différence serait apparue sur un scan de base.

— Nous pourrions lancer une recherche pour voir si des éléments se sont ajoutés à un des systèmes enregistrés, dit Wyn. Je peux appeler Tris et…

Luke et Saba arrivèrent.

— Désolé de vous interrompre, dit-il. Nous avons décidé de transférer l'Ombre dans un spatioport plus proche. Si vous voulez une occasion de vous rafraîchir et de vous reposer, c’est maintenant ou jamais !

— Les deux me conviendraient, soupira Danni.

— Et toi, Saba ? demanda Luke.

La Barabel portait un autre gros ouvrage dans les bras.

— Une douche me ferait du bien, admit-elle d’une voix lasse. Les meilleurs chasseurs doivent se laver de temps en temps…

— D’accord. Rendez-vous à la barge, le plus tôt possible. Ensuite, nous amènerons R2 avec nous. Il nous aidera à trier les données les moins évidentes.

— Bonne idée, approuva Danni. (Se levant, elle se tourna vers Jacen.) Tu viens ?

— Non. Je continue… Il nous reste une seule journée.

La déception de Danni s’afficha clairement sur son visage. Luke hocha la tête.

— N’en fais pas trop, Jacen. Si tu en as besoin, Irolia te fournira une couchette et une douche.

— Bien entendu, confirma Irolia.

— Syal et Soontir partent avec nous sur la barge à glace, ajouta Luke. Vous pouvez venir aussi, Wyn.

— Je préfère aider Jacen, si ça lui convient…

— Pas de problème…

Danni regarda Jacen et Wyn, l’air peu enthousiaste.

— D’accord. (Elle se tourna vers Luke.) Quand partons-nous ?

— Immédiatement.

— Ça me va. (Après un coup d’œil à Wyn, elle marmonna :) Le plus tôt sera le mieux.

L’oncle et la tante de Jacen partirent, suivis par le lieutenant Stalgis. Danni et Saba ne tardèrent pas à sortir aussi.

— Que voulez-vous faire ? demanda Wyn quand tout le monde eut quitté les lieux. Je pourrais vous faire visiter, ou bien…

— Je doute que ce soit une bonne idée, coupa Jacen. Le temps presse. Si nous ne trouvons rien, nous serons revenus à la case départ.

— Alors, au travail, conclut la jeune fille.

 

J’aurais dû m’en douter, pensa Jaina.

Elle s’efforçait de reprendre tout à fait conscience, en dépit de la douleur, entre ses omoplates. Elle ne pensait pas être gravement blessée, mais le rayon paralysant du blaster était réglé sur une puissance élevée, et son système nerveux restait secoué.

Elle s’aperçut que Salkeli lui avait attaché les bras et les jambes. Un capuchon translucide lui couvrait la tête.

— Je vois que vous êtes réveillée, dit Salkeli en haussant le ton pour couvrir le bourdonnement du moteur.

— Où m’emmenez-vous ?

— Voir quelqu’un.

— Qui ?

— Sans importance. Il a de l’argent. C’est tout ce qui compte.

Elle essaya de sonder discrètement l’esprit de son agresseur. En vain. La douleur et la désorientation sabotaient ses efforts.

— Vous les avez trahis ! lança-t-elle, écœurée.

— Ceux du mouvement Liberté ?

— Vous les avez vendus !

— Tout est leur faute ! On n’affronte pas l’artillerie lourde sans y laisser des plumes…

— Mais vous avez appuyé sur la détente.

— C’est mieux qu’être du mauvais côté du canon. De plus, s’ils n’avaient pas créé tant d’ennuis, ça ne serait peut-être pas arrivé.

— Ils étaient donc sur une piste…

— Croyez-vous que je vous donnerai des informations ? (Il éclata de rire.) Pas question, Jedi !

Jaina tenta un nouveau recours à la Force.

— Vous pourriez me libérer. Je ne compte pas dans tout ça…

— Exact. Alors, j’aurais aussi vite fait de vous tirer dessus et d’en finir !

Elle l’entendit sortir son blaster du holster.

— Attendez !

Le coup l’atteignit à l’épaule, la renvoyant dans les ténèbres.

 

Des centaines de milliers d’étoiles…

Les mots étaient faciles à prononcer, mais le concept se révélait plus difficile à saisir. Sur une carte, les Régions Inconnues représentaient quinze pour cent de la galaxie. Mais quand il s’agissait de chercher une planète dans ce volume – et, à l’échelle cosmique, une planète était bien plus minuscule que la fameuse aiguille dans la botte de foin –, l’énormité de la tâche devenait par trop évidente.

Une tâche à accomplir en deux jours !

Jacen étudiait les données réunies par Saba et Danni, pendant que Wyn travaillait sur l’algorithme de recherche. Il y avait des milliers de rapports de missions à examiner. Les astéroïdes errants et les comètes étaient monnaie courante – et pas toujours faciles à distinguer de la mystérieuse planète.

Il se perdait dans une multitude de noms de gens et de lieux.

— Qui est ce Jer’Jo Cam’Co qui revient si souvent dans les rapports ? demanda Jacen.

— Je l’ignore, fit Wyn en relevant la tête.

— Jer’Jo Cam’Co était un de nos administrateurs fondateurs, expliqua Irolia. Il a proposé la création de la Flotte Défensive quand une série d’explorations a permis de découvrir une profusion de ressources vitales.

Oui, ça expliquait tout… Sept vaisseaux et deux systèmes portaient son nom. Pourtant, les rapports de l’Ancienne ou de la Nouvelle République ne mentionnaient pas son existence…

Il restait beaucoup à apprendre sur les Chiss.

— A quoi ressemble Coruscant, demanda Wyn.

Jacen décrivit de son mieux la planète-capitale, telle qu’il s’en souvenait, malgré tout ce qui avait été perdu ou souillé par l’invasion des Yuuzhan Vong. Imaginer l’ancien palais impérial en ruines, ou la grande Plazza transformée en champ de corail yorik l’attristait. Plus déprimant encore, même si l’Alliance Galactique battait les Yuuzhan Vong, les dégâts subis par Coruscant ne seraient peut-être jamais réparés.

Il resterait des souvenirs…

Wyn l’écouta, posant quelques questions. L’idée d’un monde dépourvu de vie naturelle, avec des constructions souterraines, sembla la surprendre moins qu’il ne l’aurait cru. Mais sa planète n’était pas si différente… Sur Coruscant, la ville couvrait toute la surface, et sur Csilla, la glace jouait le même rôle.

L’effet général était le même.

— J’aimerais y aller, un jour, dit Wyn. Une fois la guerre finie, bien entendu. Je demanderai à mon père de me prêter notre yacht privé. J’ai un permis de navigation, mais je n’ai pas souvent l’occasion de m’en servir, car Cem le pilote tout le temps !

Elle s’attendait probablement à une invitation de Jacen, qui sourit… et ne dit rien.

— Bref, si Saba et Danni ont raison, ça n’a pas d’importance. Par moments, elles oublient que je suis là…

Vous pensez vraiment qu’il y a une chance de battre les Yuuzhan Vong ?

— Oui, Wyn.

— Parfois, je me dis que…

La jeune fille s’interrompit, comme si l’idée qui lui avait traversé l’esprit l’effrayait.

— Quoi, Wyn ?

— Peu importe. Personne ne se soucie de ce que je pense.

— Je ne vous aurais rien demandé si ça m’était égal, insista Jacen.

Elle sourit.

— Parfois, je me dis qu’il faut à tout prix nous débarrasser des Yuuzhan Vong. Je ne veux pas qu’on finisse comme Coruscant. A nous de faire l’impossible pour l’éviter !

— Même s’il vous fallait vous allier à nous ?

— Oui. Hélas, mon père et moi sommes minoritaires à ce sujet. Les gens pensent que les Yuuzhan Vong frapperaient deux fois plus fort s’ils apprenaient que nous nous sommes alliés à vous… Certains craignent que votre manière de vivre ne nous corrompe, et facilite notre conquête par les Yuuzhan Vong… La conduite de Jag a apporté de l’eau à leur moulin, j’en ai peur.

— Que voulez-vous dire ?

— Jag et son escadron auraient dû revenir il y a des mois. Pour certains, ça prouve que vous avez eu une mauvaise influence sur lui. Avant, il ne serait jamais parti aussi longtemps.

— Je n’avais pas conscience que c’était un problème, admit Jacen. (Jaina le savait-elle ?) Mais il nous a été d’une grande aide contre l’ennemi. J’espère que votre peuple l’a compris.

— Voilà toute la question ! Puisqu’il n’a pas fait son rapport comme il l’aurait dû, les gens ignorent la nature de sa contribution à la guerre !

— Peut-être était-il trop occupé à combattre les Yuuzhan Vong pour communiquer avec vous.

— Ou il aura passé trop de temps avec sa nouvelle petite amie…

Jacen la regarda, sidéré.

— Comment savez-vous ça ?

— Je viens de souligner qu’il n’avait pas fait son rapport comme il l’aurait dû… (Wyn eut un sourire espiègle.) Une nuance de taille, pour les Chiss.

L’expression de la jeune fille était transparente pour Jacen. A l’évidence, elle savait que la petite amie de Jag était sa sœur.

— Il préfère peut-être que sa vie privée reste… privée, répondit-il.

Les yeux de Wyn scintillèrent.

— S’il s’est entiché d’elle, ça ne me gêne pas ! Au contraire, comme ça, il n’est pas sur mon dos… Si vous saviez comme il peut être exaspérant !

Cette remarque rappela à Jacen que la jeune fille était encore une adolescente.

— Et votre père ? Qu’en pense-t-il ?

— Il a toujours eu une influence… perturbante. Les Chiss n’aiment pas utiliser des droïds de combat. Ils les trouvent trop lents et vulnérables. Papa est souvent d’accord, mais pas tout le temps. Selon lui, la possibilité de sacrifier un combattant est parfois un facteur décisif. Son équipe d’ingénieurs travaille à un prototype de chasseur droïd qui…

Elle s’interrompit quand Irolia se racla la gorge.

— Désolé, fit Jacen. Je n’aurais pas dû poser la question. Ma mission est de trouver Zonama Sekot, pas de me mêler de vos affaires. (Il se tourna vers Wyn.) Vous m’avez beaucoup aidé, et je vous en remercie. Je ne voudrais pas que vous ayez des ennuis à cause de moi.

— Ne vous inquiétez pas, dit la jeune fille, l’air penaud. Changeons de sujet.

— Comment avance cet algorithme ? demanda Jacen en consultant l’écran.

— Il est prêt. Il suffit que vous m’indiquiez les contraintes.

— Comme nous en avons débattu, tout système qui a accueilli une nouvelle planète habitable au cours des derniers soixante ans doit être signalé. Si Danni a raison, ça devrait considérablement limiter nos recherches. C’est dans vos cordes ?

— Pas de problème…

Wyn se plongea dans son travail, ne levant plus la tête même quand des pas résonnèrent dans l’entrée.

Jacen comprit qui arrivait dès qu’il vit Irolia se mettre au garde-à-vous.

— Repos, commandant, dit le chef navigateur Aabe. (Il vint poser une main sur l’épaule de Wyn.) Votre père m’envoie vous chercher.

La jeune fille eut l’air soucieux.

— Je n’ai pas fait exprès de parler des droïds. Je le jure ! Si vous me laissiez rester pour…

— Ça n’a rien à voir, coupa Aabe. Mais si vous désobéissez à votre père, il sera très mécontent.

Wyn se leva.

— Désolée, Jacen. Bonne chance pour vos recherches.

— Merci.

Le jeune Jedi regarda Wyn partir sans pouvoir protester.

— J’espère que vous aurez un jour l’occasion de me rendre visite ! lança-t-il.

Wyn lui sourit. Puis la porte se referma derrière elle.

Jacen resta seul avec Irolia, qui se rassit. Il sentit qu’elle n’appréciait guère la façon dont Wyn avait été emmenée hors de la salle.

L’incident le mit mal à l’aise, sans qu’il puisse dire pourquoi.

L’algorithme de Wyn étant prêt, il se demanda par où commencer… Pour une fois, il ne pensait plus à Zonama Sekot.

Il sortit son comlink et l’activa.

— Oncle Luke ? Tu me reçois ?

— Oui. Du nouveau ?

— Pas encore. Je voulais m’assurer que tout allait bien de votre côté…

— Pas de problème. Nous sommes encore sur la barge, non loin de l’astroport. Nous serons de retour dans deux heures. Et de ton côté ?

— Quelque chose de bizarre est arrivé. Sais-tu si Soontir Fel a contacté Aabe depuis une demi-heure ?

— Pas à ma connaissance. Il est resté avec nous tout le temps.

Aabe avait donc menti en prétendant que Fel l’envoyait chercher Wyn.

Pourquoi ? se demanda Jacen.

Que voulait Aabe ? L’isoler ?

Chez Irolia, il ne perçut rien d’alarmant… Aucun indice n’indiquait qu’elle s’apprêtait à l’attaquer.

— Jacen ? demanda Luke. Qu’y a-t-il ?

— Probablement rien. Seulement…

Soudain, il capta une alarme dans la Force. Elle n’émanait pas de Luke, mais d’un de ses compagnons…

— Nous sommes attaqués ! lança Mara sur le comlink.

— Tante Mara !

Jacen bondit et sortit d’instinct son sabre laser.

Surprise par le cri de Jacen, Irolia se leva aussi et tendit la main vers son arme.

— Que se passe-t-il ?

— Oncle Luke ! Tante Mara !

Quelques secondes passèrent avant que Luke ne réponde – une éternité.

— Jacen, je ne peux pas parler pour le moment…

Jacen se retrouva seul. Il ne saurait pas tout de suite ce qui était arrivé. Il y avait de la trahison dans l’air…

— Que la Force soit avec vous, dit-il.

Puis il pensa à Wyn.

 

Jaina rouvrit les yeux et sursauta à cause de la vive lumière.

— Où suis-je ?

Elle essaya de s’asseoir.

Ce mouvement lui fit mal partout.

Elle était dans un bureau, allongée sur une surface qui sentait le cuir.

— Rebonjour, Jaina…

— Salkeli, sale petit traître… !

— Calmez-vous…

La voix était familière, mais elle ne parvint pas à l’identifier.

— Tout ira bien. Il ne vous sera fait aucun mal. Si vous vous comportez raisonnablement…

Sans son sabre laser, la Jedi se sentait nue – surtout dans son état de faiblesse. Avoir été paralysée deux fois de suite par un coup de blaster laissait un système nerveux sous le choc. Elle n’y voyait pas encore clairement.

Et il lui manquait son comlink.

Elle se força à s’asseoir et se tourna vers son interlocuteur. Sa vue brouillée ne lui permit pas non plus de l’identifier.

— Salkeli m’a dit qu’on voulait me parler. Vous, je présume…

Assis derrière un grand bureau, le type portait des vêtements écarlates.

— Exact…

— Où sommes-nous ?

Jaina tenta de déterminer si les lieux lui semblaient familiers.

— Dans mes appartements privés. Ces pièces insonorisées sont protégées de toute forme d’espionnage électronique. La porte est faite d’un matériau anti-explosion, et la serrure s’ouvre avec l’empreinte de mon pouce… Vous pouvez me croire, vous ne partirez pas d’ici sans mon consentement.

— Je m’en doute…

Jaina voyait déjà un peu mieux. Le bureau, richement meublé, comprenait des vitrines en bois poli abritant des objets en cristal, des verres et des coupes veinés de couleurs vives. Tant de beauté était gâchée par la présence de l’arrogant Salkeli…

Quand elle se tourna vers la personne assise au bureau, sa vue était redevenue normale.

Le Premier ministre adjoint, Blaine Harris, la regardait.

— Alors ? Coopérerez-vous avec moi ?

— Ça dépend…

— De quoi ?

— De vos intentions à mon égard, ça va de soi. Et de ce que vous avez fait des crédits.

— Quels crédits ?

— Ceux que vous avez détournés du Trésor bakurien, répondit Jaina, pariant sur la culpabilité de son ravisseur. Le mouvement Liberté a découvert les fuites de capitaux. C’est pour ça que vous avez fait enfermer Malinza. Mais je me demande pourquoi vous aviez besoin de cette fortune… Des millions de crédits !

— Ah, oui…, répondit Harris. Salkeli m’a parlé de votre théorie. Liberté n’a pas réussi à me mettre ces détournements sur le dos… Je me trompe ?

— Non. Mais avec du temps, Vyram aurait fini par le prouver.

— J’en doute, déclara Harris. D’ailleurs, je n’ai pas détourné ces sommes.

— Vous espérez que je vais gober ça ? ricana Jaina.

— Franchement, je me fiche de votre opinion ! Si j’avais tant d’argent, croyez-vous que j’emploierais des espions comme lui ?

Salkeli ne parut pas vexé par l’insulte.

— Désolé de vous décevoir, Jaina, mais je ne suis pas votre voleur. Cela étant, j’aimerais aussi savoir de qui il s’agit… Quand cette farce se conclura, je ne manquerai pas de mener ma petite enquête. Pas question que le peuple bakurien soit saigné à blanc !

Jaina resta sceptique.

— Quoi qu’il en soit, vous mijotez quelque chose… Je le sais.

— Je ne songerais pas un instant à le nier. Mais ce n’est pas ce que vous croyez.

Harris pressa un bouton de la console de son bureau. Un pan de mur s’ouvrit, dévoilant un holoprojecteur.

Le Premier ministre adjoint se leva pour mieux voir.

Jaina reconnut l’image, qu’elle avait vue en approchant de Salis D’aar : dans un grand amphithéâtre où flottaient les drapeaux de Bakura et des P’w’ecks, une énorme foule attendait les extraterrestres. Une toile géante où était peint le drapeau bakurien couvrait la zone centrale. Le soleil levant jetait des lueurs dorées sur les marches de pierre et les piliers.

Dans les gradins, des gardes en uniforme vert foncé surveillaient la zone circulaire centrale, empêchant quiconque d’approcher.

— La cérémonie…, dit Jaina.

— Oui. Elle commencera dans moins d’une heure. A ce qu’on m’a dit, ce sera très impressionnant.

— Vous voulez l’interrompre ?

Harris lui jeta un regard méprisant.

— Ne soyez pas stupide ! Mes intentions sont bien plus complexes que ça !

— Vous avez mentionné une « farce », reprit Jaina.

— Je ne parlais pas de la cérémonie.

Une escouade de gardes p’w’ecks apparut dans l’holo. Leurs muscles puissants roulant sous leurs écailles ternes, ils examinèrent le cercle central, où la cérémonie proprement dite se déroulerait.

— Beaucoup de détails de ce rituel ont été passés sous silence, continua Harris. Quoi qu’il en soit, c’est un privilège pour nous d’y participer.

— Je croyais que les Bakuriens seraient simplement des spectateurs…

— C’est le cas ! Mais notre planète deviendra sacrée, et ça n’arrive pas tous les jours.

— Vous ne croyez pas réellement à ces fadaises ?

— Bien sûr que non ! En revanche, les P’w’ecks y croient, et ça me suffit. Avez-vous remarqué les similitudes qui existent entre les Ssi-ruuk et les Yuuzhan Vong ? Leurs deux cultures sont xénophobes, très hiérarchisées, religieuses et expansionnistes. Toutes deux préfèrent les méthodes violentes. Et elles sont, ou ont été, de redoutables ennemies de la Nouvelle République…

— Comme les Yevethas, observa Jaina.

Harris fronça les sourcils.

— Quel rapport ?

— Peut-être aucun…

Et peut-être beaucoup.

— Les Ssi-ruuk et les Yuuzhan Vong asservissent leurs ennemis vaincus, continua Harris. Une habitude déplorable. Je me réjouis que les P’w’ecks l’aient abandonnée. C’est une des deux choses qu’ils ont apprises de leurs anciens maîtres.

— Et la seconde ?

— La fin de la xénophobie, bien entendu… J’espère que nous pourrons aussi les inciter à modifier leur religion. Puis nous travaillerons sur leur système de castes, et nous veillerons à rendre leur mentalité d’esclaves un peu plus malléable… L’acceptation peut être un outil efficace du changement – autant que la domination ou la force.

Jaina fronça les sourcils.

— Désolée… Je ne vois pas ce que vous voulez prouver.

— Nous n’avons pas besoin que la Nouvelle République nous dise ce que nous devons faire. Nous pouvons prendre nos propres décisions. Et vous avoir sur le dos nous complique la tâche.

— Nous ne sommes pas là pour vous ennuyer. Nous voulions seulement nous assurer que tout allait bien dans…

— Vraiment ? Je trouve ça dur à avaler. A l’aube de notre plus grand succès – l’alliance avec les héritiers de nos vieux ennemis – vous déboulez pour apporter la graine de la discorde. Une coïncidence ? Je ne crois pas.

— Un moment ! Quelqu’un pensait qu’il se passait des choses inquiétantes, ici… Cette personne nous a appelés sur Bakura !

— Qui, exactement ?

Jaina détourna le regard.

— Un informateur…

Il ricana.

— J’ai appris dans l’armée qu’un informateur mal informé pouvait faire dix fois plus de mal qu’un agent double ! La seule façon d’avoir une certitude, ma chère, c’est de croire ce qu’on voit de ses propres yeux ! Et même alors…

Il se tourna vers l’holo, marquant une pause.

— Je n’aurais jamais cru voir ce jour arriver, reprit-il, radouci. Après toutes ces années de doute et de crainte, Bakura a finalement trouvé le moyen de devenir indépendante, sans risque. Dorénavant, Bakura sera un monde qui n’aura plus à s’enchaîner à l’Empire, à la Nouvelle République ou aux Ssi-ruuk. Avec les P’w’ecks, nous forgerons une alliance nouvelle – une union que nous aurons choisie, au lieu qu’elle nous soit imposée par les circonstances… Il est temps pour nous de devenir forts !

Jaina se remémora des histoires de perturbations et d’émeutes.

— Tout le monde ne semble pas être de votre avis…

— C’était à prévoir. Les gens mettent parfois du temps à comprendre où est leur intérêt. Je trahis certains de mes principes en l’avouant, mais les adeptes de l’Equilibre cosmique parleraient d’un mal nécessaire.

— De quelle sorte ?

Harris ignora la question.

— Je trouve curieux que les Bakuriens défient aussi ouvertement les Jedi… Votre oncle nous a sauvés des Ssi-ruuk et vos croyances sont très proches des nôtres. Votre propre système d’équilibre assure que la vie continue et se développe. J’ignore si vous connaissez les croyances de la population indigène de cette planète, les Kurtzen, mais ils sont persuadés de l’existence d’une énergie vitale universelle qui ne diffère guère de votre conception de la Force. En combinant les deux, nous aurions pu être… vous ! Pourtant, il n’y a jamais eu, à ma connaissance, de Jedi venu de Bakura. Etrange, non ?

— Vous pensez que nous vous avons laissés de côté ? La galaxie compte des milliers de mondes… Les explorer prend un temps infini – et en ce moment, avec les Yuuzhan Vong…

Harris éclata de rire.

— Ce n’est pas l’envie qui me motive. Voyez…

Une sonnerie retentit.

Salkeli se redressa et brandit son blaster.

— C’est peut-être le moment, dit Harris. (Il vérifia quelque chose sur son bureau.) Oui. Et ce n’est pas trop tôt ! Des renforts arrivent…

Il fit signe à Salkeli. Le Rodien traversa la pièce et prit Jaina par le bras, appuyant le blaster contre son flanc. Elle renonça à lui résister – pour le moment. L’esprit du Rodien n’était pas très puissant, et il faudrait sans doute peu de chose pour le forcer à retourner le blaster contre Harris… Mais elle préférait comprendre le plan adverse, pour mieux le saboter ensuite.

Salkeli la poussa dans un coin, hors de vue de la porte, et lui plaqua une main sur la bouche. Puis il fit signe à Harris. A son tour, le Premier ministre adjoint traversa la pièce et posa le pouce sur le verrou. La double porte s’ouvrit… Trois silhouettes encapuchonnées s’engouffrèrent dans la pièce.

— Nous avons des ennuis ! lança Malinza Thanas en rabattant sa capuche.

Ses compagnons l’imitèrent : Jjorg et Vyram.

Harris eut l’air inquiet.

— Qu’est-il arrivé à Zel ?

— On l’a canardé alors que nous évacuions la Cheminée ! répondit la jeune fille, partagée entre le chagrin et la colère. Ces chiens l’ont descendu, Blaine !

— Au moins, vous êtes en sécurité. Tout ira bien, maintenant.

— Comment pouvez-vous dire ça ? Nous avons réussi à fuir de justesse ! Et seulement parce que la Sécurité est mobilisée par la cérémonie… Nous ne pourrons jamais plus nous montrer, sauf si vous découvrez qui est derrière tout ça !

— Derrière quoi, ma chère ?

— Mon inculpation pour enlèvement et mon emprisonnement, pour commencer ! Puis derrière une évasion facile, histoire que j’aggrave mon cas ! Après ce délit, tout le monde sera maintenant persuadé que je suis vraiment coupable… Et on m’accusera aussi de la mort de Zel. (Au prix d’un gros effort, Malinza se reprit.) Nous avons également perdu Salkeli. Il s’est chargé d’une diversion pour nous, mais ne nous a pas rejoints au point de ralliement…

— Tu devrais savoir que je ne me laisserais jamais capturer ou tuer, Malinza, dit le Rodien en sortant de sa cachette avec Jaina. Au fond, tu ne me connais pas si bien que ça…

Malinza se retourna, désorientée.

— Je ne comprends pas…

— C’est pourtant évident, enchaîna Harris en brandissant soudain un blaster. Lâchez vos armes, je vous prie.

Malinza, livide, laissa tomber son blaster sur le tapis.

Jjorg et Vyram aussi.

— Quelles sont vos intentions ? demanda Malinza.

— Mes intentions ? Faire votre travail, tout simplement ! Pourquoi vous aurais-je financée, Malinza, si nos buts n’étaient pas similaires ? Je veux unir le peuple contre l’Alliance Galactique. Avec l’aide des P’w’ecks, je protégerai Bakura de tout risque d’invasion. Nous serons pour toujours les maîtres de notre destinée ! Vous voulez connaître la seule différence entre vos plans et les miens ? Le moment venu, le peuple de Bakura sera uni derrière moi, pas derrière vous. Dommage, en un sens… Votre fin tragique le mobilisera. Avec la terrible trahison des Jedi, venus nous réduire une fois de plus en esclavage…

— Quoi ? s’écrièrent Jaina et Malinza d’une seule voix.

— Tout sera bientôt clair, je vous l’assure. Pour le moment, Salkeli, ligotez-leur les poignets.

Son blaster rengainé, le Rodien sortit des menottes électroniques d’un tiroir du bureau. Soudain tenus en respect par un seul blaster, les membres de Liberté devinrent nerveux. Jaina chercha le regard de Malinza, mais la jeune fille l’ignorait – par colère ou embarras ?

— Vous êtes dingue si vous pensez vous en sortir comme ça ! lança Jaina, essayant de détourner l’attention d’Harris.

— Me sortir de quoi ? Vous ignorez ce que j’ai décidé.

Au goût de Jaina, le Premier ministre adjoint trouvait tout ça trop amusant. Un fait troublant… Autant que la froideur avec laquelle il braquait son blaster sur ses victimes.

— Nous avions confiance en vous, dit Malinza.

— Si ça peut vous consoler, ce sera votre dernière erreur.

— Malinza, non ! cria Jaina quand elle vit la jeune fille se raidir.

Trop tard ! Sans attendre que les menottes se referment sur ses poignets, elle poussa Salkeli, lui flanquant un coup de genou au bas-ventre. Il se plia en deux, et elle l’assomma d’un coup de poing. Il s’écroula.

Jjorg se jeta sur Harris, la main tendue vers son blaster.

Le Premier ministre adjoint appuya sur la détente.

Jjorg s’effondra.

Puis il pointa son blaster sur Jaina.

— Je vous conseille d’en rester là…

Horrifiée, Malinza s’écarta du corps sans vie de Jjorg.

Jaina tira Vyram en arrière.

— Attention. Le blaster n’est pas réglé pour paralyser.

— Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu ? accusa Malinza, en larmes.

Jaina ne répondit pas. Qu’aurait-elle pu dire ?

— Si Jjorg s’était tenue tranquille, elle serait encore en vie, fit Harris.

Salkeli se releva et grogna :

— Ne faites plus jamais ça !

Il referma les menottes sur les poignets de Malinza, puis fit de même avec Vyram.

— A vrai dire, ça m’arrange, ajouta Harris, cynique. Vous m’avez épargné le souci de choisir qui tuer. Rien de tel qu’un cadavre pour prouver qu’il y a eu lutte… Hélas, la Sécurité était tellement accaparée par le Keeramak et l’organisation de la cérémonie qu’elle n’a pas remarqué un léger dysfonctionnement des caméras de mon antichambre… Quand elle s’en apercevra, je ne manquerai pas de faire remarquer que vous êtes un pirate informatique très doué, Vyram. C’est tout à fait dans vos cordes, non ?

Jaina tendit les mains quand Salkeli approcha d’elle avec les menottes. Et elle implanta dans son esprit une suggestion : il avait entendu le clic de la fermeture… Elle renforça l’image mentale en sursautant comme si les « bracelets » la serraient trop.

Sûr que les prisonniers étaient bien attachés, le Rodien recula. Souriant, Jaina le défia du regard. Les menottes entravaient bien autour ses poignets, mais le verrou n’était pas enclenché… Le moment venu, elle se libérerait sans problème. Ensuite, elle aiderait Malinza et son compagnon à fuir.

Blaster au poing, Salkeli se posta à côté d’Harris. Dans l’holoprojecteur, le Premier ministre adjoint regarda une dernière fois la foule se rassembler, puis il coupa la transmission.

— Dans une heure, cette planète sera un lieu consacré du Mouvement d’Emancipation des P’w’ecks. Et vous, ma chère Malinza, vous serez devenue une martyre. Cela ne vous emplit-il pas de fierté ?

Malinza cracha sur le tapis, aux pieds d’Harris.

— Une vraie rebelle… ! ricana-t-il. Salkeli, en position !

Le Rodien poussa les trois prisonniers vers la porte.

Harris l’ouvrit, utilisant l’empreinte de son pouce. Le blaster braqué sur leurs dos, Malinza, Jaina et Vyram sortirent.

— Où nous emmenez-vous ? demanda Malinza.

— Patience, ma chère, répondit Harris. Je vous promets que vous ne serez pas déçue.

L'HéŽréŽtique de la Force T2 - Les Réfugiés
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